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Destruction et reconstruction des bâtiments privés de Vierville

Bourg, hameaux, et maisons isolées

En matière de bâtiments privés, sans compter la plage::

- Ont été détruits de nombreuses grandes maisons anciennes (Than, Les Isles, L’Ormel, la maison des Le Large, la ferme de Vacqueville et quelques autres moins importantes).

- Ont été épargnées la plupart des résidences principales ou secondaires du bourg et des hameaux, la plupart des grandes et petites fermes dispersées, et quelques grandes maisons anciennes (Château de Vierville, le Vaumicel, Saint-Sever).
Mais la plupart de ces constructions épargnées avaient subi des dégâts importants du fait :

des destructions entreprises volontairement par les Allemands pour préparer la défense contre un débarquement,
des combats propprements dits,
de l’occupation par les troupes allemandes (juin 40 à juin 44) puis américaines (juin à décembre 44),
de l’explosion de munitions à Asnières en novembre 1945,
du manque d’entretien pendant les années de guerre,
des suites de plusieurs années de pénuries diverses pendant et après la guerre, notamment dégâts dus aux toitures non réparées, etc. …

Nous verrons successivement le bourg, puis les hameaux et les maisons isolées,


1 - Le bourg

Le 6 juin entre 6h et 6h20 du matin, le bourg a reçu quelques obus de marine, des obus de 127 mm du cuirassé « Texas » et de divers destroyers. Ces obus étaient, avec des centaines d’autres, destinés aux points fortifiés de la plage devant Vierville (les WN70 à 73).

Quelques bâtiments ont été atteints, notamment :

le château a reçu semble-t-il au moins 3 obus:

1 sur la flèche de la tourelle du moyen Age isolée,

1 dans la toiture de la tourelle d’angle (du 19ème siècle)

et 1 dans une des 5 lucarnes de la façade Nord).

La flèche, non classée, n'a jamais été réparée, faute de financement.
La toiture de la tourelle d'angle a été remise en état.
L a lucarrne de pierre a été supprimée, la façade ne compte plus aujourd'hui que 4 lucarnes au lieu de 5.


  (détails) La façade avant guerre avec 5 lucarnes et après guerre avec une en moins

(détails)

 

 


La tourelle isolée du Moyen Age, avant le bombardement du 6 juin 1944, et après en hiver 1945:

La tourelle d'angle (datant du 19ème siècle) endommagée probablement par un obus de 127mm du "Texas" vers 6h00 le matin du 6 juin. L'obus a dû exploser après avoir traversé la toiture. Elle a été reconstruite
A la boulangerie (rue Pavée), le 6 juin vers 6h00, un obus a tué Jacques Leroux, 9 mois, bébé de la boulangère et Pauline Bernasconi 20 ans, cousine de la boulangère.

Je cite le livre "Les Victimes Civiles du Calvados":

" Germaine Leroux était boulangère... Prévenues par un voisin de l'imminence du danger, elle et sa famille s'habillent à la hâte. Son dernier né sous le bras, elle dévale l'escalier pour rejoindre son mari au fournil et gagner un abri. Se ravisant brusquement, elle décide de remonter chercher ses papiers et confie son bébé
de 9 mois (Jacques Leroux) à sa cousine (Pauline Bernasconi, 20 ans). Une terrible explosion. tous deux sont tués sur le coup. Germaine est indemne. Assourdie par la déflagration, folle de douleur à la vue des deux corps gisant sur le sol, elle crie, hurle, sans comprendre ce qui est arrivé."


Vers la même heure, la maison de Mr Leterrier
(rue Pavée), a reçu un obus qui a endommagé la façade arrière au nord). Réparée, elle est devenu la maison de sa fille, Madame Jacquet, puis elle a été vendue et réaménagée récemment avec des chambre d'hôtes.
Je cite encore "Les Victimes Civiles du Calvados":

"Bernadette avait 10 ans 1/2 et habitait le bourg de Vierville. [elle raconte le 21 septembre 1993] : Dans la nuit du 5 au 6, ma mère, qui était réceptive à beaucoup de choses, n'arrivait pas à fermetr l'oeil. Elle ne cessait d'embêter mon père en lui disant: "Je ne peux pas dormir. Il se passe quelque chose d'anormal"

(probablement elle percevait en bruit de fond les centaines de moteurs des gros navires qui avaient mouillé cette nuit là leurs ancres à 20 km au large de Vierville. Le garde champêtre Léon Coliboeuf avait bien reconnu ce bruit qui inquiétait sa femme cette nuit dans la petite gare de Vierville qui les logeait avec leurs enfants-).

Mon père
(c'était, je crois, le maçon Emélie qui habitait la maison rue Pavée juste après celle de Mr Leterrier et avant l'impasse Pavée) qui avait fait la guerre de 14/18, lui répondait "Dors ! laisse moi tranquille !" . Le matin, vers 5h00, énervé, il se lève et va voir dehors. Avec une échelle, il est monté sur le mur de notre jardin, d'où l'on voyait la mer. Il a aperçu tous les bateaux qui étaient là. Il est redescendu à toute vitesse pour aller voir ma mère en lui disant: "Habille les enfants ! Il faut qu'on sorte de la maison ! Je vais réveiller tous les voisins" Ce qu'il a fait. Il voulait que l'on aille se cacher dans le fossé d'en face. Maman ne voulait poas quitter la maison. Alors il nous a emmené et nous a installé dans le fossé avec une couverture. Au moment où il allait repartir chercher Maman, un obus est arrivé. Il a eu le ventre complètement ouvert ! "
(Il a guéri de sa blessure)

Vue du clocher sur la maison des Collières en ruine
Vers 14h  le même jour, la maison dite « des Collières » a été détruite par le destroyer « Harding », qui visait le clocher de l'église.

Cette petite maison, ancienne et sans confort, était située route de Formigny, 100m avant l'église. Elle était dans l'axe des tirs. Elle n'a pas été reconstruite.


La maison des Collières

Lors du bombardement du carrefour, le 7 juin vers 20h00, il semble que les bâtiments publics n'ont pas été les seuls a être incendiés et détruits.

L'examen des photos de l'hôtel de La Pie Qui Tette, avant et après la guerre, montre que son avancée sur le carrefour avait disparu après la guerre, ce qui fait penser qu'il ont été atteints par ce bombardement.

Une petite construction provisoire a permis d'exploiter le restaurant quelques années.

Par la suite, l'avancée a été reconstruite sous sa forme actuelle.

Plus tard une nouvelle salle a été installée sur 1 niveau en empiétant sur une partie du trottoir, louée à la commune.

 




(détails) L'hôtel des Touristes (Pignolet), avant la guerre


Vers 1950, après guerre, l'avancée a dû être détruite par le bombardement du 7 juin. Elle a été remplacée provisoirement par un abri sommaire sur un seul niveau


Vers 1960, après la reconstruction de l'avancée, sur 2 niveaux et avec une toiture à pentes.


(détails) Vers 1990, la Pie qui Tette a construit une petite salle couverte sur le trottoir communal loué.
(remarquer l'hôtel voisin à droite qui a été incendié)

Les autres dommages subis par les habitations et fermes du bourg ont fini par être réparés, et par la suite de nombreuses constructions neuves ont été réalisées, notamment dans le bourg: nouveaux quartiers des Ecoles, du Mont-Olive, du Hamel aux Prêtres, et dans les quartiers situés au Sud et à l'Ouest (rues de la Hérode, de la Chasse aux Prix, Chasse-Bertin, Chasse au Frêne, etc..)

2 - Les hameaux et les maisons isolées


Dans la journée du  7 juin, lors des combats du nettoyage final, plusieurs grandes maisons anciennes de la commune ont été incendiées : notamment Les Isles, Than, la maison principale de l’Ormel, la ferme de Vacqueville, la maison de la famille Le Large.
Les circonstances semblent avoir été les mêmes partout. Après les infiltrations d'une contre attaque allemande dans la nuit du 6 au 7 juin, les Américains cantonnés pendant la nuit ont eu quelques pertes, notamment quelques dizaines de prisonniers, des GIs surpris au réveil dans les herbages voisins au sud du village.

La 29ème division, qui ne disposait à Vierville ce matin là que de 200 hommes d'infanterie et de 500 Rangers, accompagnés d'une vingtaine de chars, avait pour mission urgente de se lancer vers la Pointe du Hoc pour y relever une centaine de Rangers durement pressés.
Ils ont alors décidé de scinder leurs moyens, d'envoyer la moitié des chars et le gros des troupes disponibles vers la pointe du Hoc, en conservant à Vierville 4 compagnies de Rangers (environ 200 hommes) chargés du nettoyage du village et de ses abords sud infestés d'Allemands arrivés dans la nuit.

Témoignage de Jeanne Le Large:
"La maison de Léopold Le Large, route de Formigny, a été brûlée au Débarquement par les américains:
Alors qu'il était en train de se raser, des américains l'ont emmené dans l'herbage en face et ont mis le feu à la maison.Il n'a pu rien sauver, même pas ses lunettes.
Ses voisins, Mr et Mme Blin, l'ont héberé jusqu'à ce qu'il s'installe dans une pièce aménagée au dessus de son garage. Les bâtiments annexes n'ont pas été incendiés. Il pensait qu'en restant sur place, sa maison serait plus vite reconstruite.
I
l est mort en 1948 d'un cancer de l'intestin.
La maison a été finie de reconstruire en 1956. C'est son neveu et héritier, Marcel Le Large et sa famille, qui l'a habitée ensuite.
Jeanne Le Large, petite nièce de L. Le Large."


(détails) Léopold et Mme Le Large vers 1910, grands oncle et tante de Jeanne le Large

La méthode appliquée a été simple, rapide et efficace mais brutale: chaque fois qu'une maison était suspectée de cacher des Allemands, il y était mis le feu, ce qui en faisait sortir les défenseurs éventuels.
La présence d'habitants civils a permis parfois de sauver quelques maisons. Mais c'est ainsi qu'ont été incendiés le manoir de Than (il était depuis longtemps réquisitionné pour la Kommandantur), l'Ormel (malgré la présence du fermier Louis Leterrier), Les Isles (les propriétaires s'étaient réfugiés dans des herbages), la maison de Mr Le Large (malgré la présence de Mr Le Large chassé de chez lui sans ménagement), la grande ferme de Vacqueville et quelques autres probablement.

Par contre ont échappé à l'incendie le Vaumicel, Saint-Sever (les propriétaires de ces 2 grandes demeures étaient peut-être présents pour éviter le pire), et le château de Vierville (il devait déjà être occupé par des Américains depuis la veille, mais des combats meurtriers ont eu lieu dans son bois). Bien d''autres maisons ont échappé aussi, préservées tant bien que mal par l'intervention deceux qui y vivaient.


(détails)
Le manoir de Than
, côté Ouest. C'était la Kommandantur de Vierville et le PC de la 11ème Cie de grenadiers Allemands qui défendait la côte à Vierville. Le manoir a été incendié le 7 juin 1944


Ce qui restait du manoir en septembre 1944. En l'absence des propriétaires (à Paris), les Américains ont rasé rapidement le manoir pour en tirer des matériaux pour leurs chaussées.

Le manoir n'a pas été reconstruit, les dommages de guerre ayant été délocalisés. Plus tard, les communs du domaine ont été aménagés pour y recréer une résidence.

Ci -contre, le château des Isles avant la guerre. Il semble que ce château incendié ait été lui aussi rasé par les Engineers pour en tirer des agrégats routiers.

A sa place une belle maison moderne de style basque l'a remplacé.

L'Ormel a pu être reconstruit à l'identique, peut-être parce que les murs ont échappé à la destruction après l'incendie


(détails) L'Ormel reconstruit autour de ses murs (1994), l'ensemble de la ferme ancienne s'est transformé en deux belles résidences secondaires


(détails) La ferme de l'Ormel, au temps des Leterrier, (Fernand puis Louis), avec les nombreux chevaux de labours, avant la guerre il n'y avait aucun tracteur dans les exploitations agricoles.


En septembre 1944, après l'incendie

En bas et à gauche, la maison de Léopold Le Large, en mai 1944, avant les combats.

On remarque également, la ferme d'Auguste Blin, qui était forgeron en 1944 (son atelier était rue Pavée dans le bourg).

En haut à gauche, la ferme Laronche de 1944, aujourd'hui transformée en plusieurs appartements de location ou gîtes


Photo du 24 mai 1944, avant les combats

En bas et à droite, la maison de Léopold Le Large n'a plus de toit, après son incendie le 7 juin 1944. Elle a été remplacée depuis par une maison confortable moderne


photo du 10 août 1944


La ferme de Vacqueville, ci-dessus le 24 mai 1944


La même ferme en août 1947, elle a été incendiée, mais la photo est trop petite pour distinguer exactement son état 3 ans après la guerre. Elle n'était pas reconstruite, mais la toiture avait pu être réparée pour sauvegarder les murs.


La partie Nord de la ferme de Vacqueville reconstruite aujourd'hui.

 

 

 

 


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