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La reconstruction
de Vierville
4 - L'enlèvement des épaves maritimes
1949-55
L'histoire de l'enlèvement des épaves d'Omaha Beach est
mal connue et a fait l'objet de nombreuses rumeurs peu vérifiées.
Quoiqu'il en soit des aspects commerciaux et juridiques, et en se limitant
aux matériels qui étaient devant la commune de Vierville,
on peut indiquer ceci :
Au début de 1945, des épaves nombreuses étaient dispersées
sur les rivages de Vierville:
1 - sur l'estran, sous la falaise, de la
limite de Louvières à la maison de Mr Gambier.
2 - sur l'estran, entre cette maison et
la limite de Saint-Laurent sur Mer.
3 - en mer, face à Vierville, c'est
à dire dans les limites du port artificiel MulberryA, ce qui exclut
les épaves du Gooseberry B qui étaient devant Saint-Laurent
et Colleville
1 - Sous la falaise, depuis la limite de Louvières jusqu'à
la maison de Mr Gambier, il y avait de nombreuses et importantes
épaves métalliques, essentiellement des restes de "bombardons"
(grandes structures métalliques de 60 mètres de long, ayant
servi de brise-lames flottants).
[Pour mémoire, l'épave du LCI 92, (Landing
Craft Infantry), un navire métallique de 50 mètres de
long, était échouée sur le territoire de Louvières,
dans ce que l'on appelle parfois la fosse de la Pécherie. Dans
le sable de cette fosse, on voyait aussi les restes d'un moteur d'avion
allemand avec son hélice en duralumin et l'épave d'un petit
canot d'où ont été recupérés une hélice
en bronze (diamètre 35cm), avec son arbre porte-hélice en
bronze (diamètre 25mm) et le presse-étoupe]
Juin 1944 - Lors de la tempête des 19-21 juin 44, plusieurs
des 24 brise-lames flottants "bombardons", cruciformes,
de 60 mètres de long, se sont échoués sous
le falaise et se sont démantelés sur place.
A l'origine ces 24 bombardons étaient ancrés paralléles
à la côte, à 1600m de la laisse de haute mer.
Ils ont tous ont brisé leurs amarrages et se sont dispersés
sur le rivage de Colleville à Louvières.
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Août 1947, vue aérienne montrant le LCI92
et les restes de bombardons
Toutes ces grosses épaves métalliques ont été
découpées et enlevées avec des grues et des
camions par les entreprises de récupération dès
les années 49-50
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Vers1945, sous la falaise, avant la fosse de la Pécherie,
on voit les gros bombardons échoués et encore peu
démembrés.
Ci-dessous, vers 1947, au même endroit, on les aperçoit
en morceaux de plus faibles dimensions
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2 - Sur la plage, depuis la maison de Mr Gambier
et jusqu'à Sant-Laurent on trouvaient
successivement
- de nombreuses petites épaves diverses sous la maison Gambier
- 2 grands docks RCP de 25m de longueur,
- Juste après la descente, de nombreuses petites épaves,
surtout des flotteurs "beetles" plus ou moins démembrés,
- à 1km de la descente, 2 petits cargos caboteurs échoués
sur la plage
- [à 1100m de la descente, l'épave d'un petit bateau à
coque en béton armé s'est ajoutée en hiver 1946 ou
47]
- à 1300m de la descente, l'épave du LCI 91 gisait au milieu
de la plage
- à 1350m de la descente, se trouvait les restes d'un appontement
pour une route flottante "causeway"
1947, sous la maison de Mr Gambier et sous la descente de Vierville,
la photo aérienne montre les diverses épaves, les
2 grands docks de béton armés type RCP et de nombreuses
petites épaves métalliques :
Ces petites épaves avaient diverses origines:
- des éléments de "beetles"
(les flotteurs métalliques des passerelles flottantes)
- des caissons NLP (Navy Light Pontoon,
petits éléments parallélépipédiques,
2mx2mx2m environ, qui, assemblés, formaient l'ossature des
grand pontons Rhinoferry et des chaussées flottantes Causeway).
ces caissons étaient soit isolés, soit groupés
en assemblages plus ou moins importants
- de nombreuses épaves de petites dimensions, morceau de
petites embarcations, etc..
1945, sous la maison Gambier, des épaves diverses.
Sur une photo de 1947, les mêmes petites épaves métalliques
qui ont été enlevées dès 1949/50 par
les récupérateurs.
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Les 2 pontons RCP
(Reinforced Concrete Pontoon) d'environ 25mx16m chacun étaient
à l'origine accrochés aux quais flottants auto élévateurs
"Lobnitz" et leurs servaient de prolongateur et de lien entre
2 quais Lobnitz
- l'un se trouvait à 300 m du rivage, au droit de la maison
de la falaise de Mr. Gambier,
- l'autre se trouvait sur le haut de la plage sous la descente
de Vierville, où il se trouve encore.
Vue vers la Percée. On voit à droite les 2 pontons
RCP, vestiges du Mulberry
Les 2 docks RCP vers 1947, celui situé sur la laisse de
basse mer, face à la maison Gambier, a été
renfloué vers1950 et revendu par l'entreprise de récupération
d'épaves
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Le dock RCP proche de la laisse de pleine mer. Vers 1947, il n'était
pas raccordé à la côte par les remblais apportés
entre 1950 et 1980
1984, ce dock RCP sert aujourd'hui d'appui pour la passerelle
construite par la commune pour les besoins des touristes et des
pêcheurs à la ligne dans les années 70
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Devant l'actuel Bar
de la Plage, subsistaient des caissons NLP et
des éléments de Beetles (les flotteurs
de passerelles), dispersés à l'emplacement des 3 passerelles
flottantes "Whale" détruites par la tempête
du 19-21 juin 44. Il y avait aussi un morceau de bombardon resté
sur la plage.
1947 emplacement des épaves diverses
1945 Vue d'ensemble de la plage de Vierville début 1945.
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1945 - Des épaves de flotteurs "Beetles" et
de caissons NLP devant Vierville
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Toutes ces épaves ont été
retirées dès 1949-50 par les entreprises de ferraillage.
Toutefois un flotteur beetle entier a échappé à
la récupération, il devait être enfoncé
dans le sable et peu visible près de la laisse de basse mer.
Le voici, photo graphié en 1984. Il était encore visible
lors des très grandes marées en 2010 :
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A mi chemin de Saint-Laurent et à 150m
du rivage, les épaves de 2 petits cargos caboteurs
(environ 70 et 100m de longueur environ chacun)
Les 2 cargos sur la plage de Vierville. Ils ont été
abondamment photographiés.
A droite, on aperçoit l'épave du LCI 91, au
milieu de la plage
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1945-Vue prise de la falaise au dessus de la villa Mathy en ruine
vers 1948, avant l'enlèvement des épaves
vers 1950
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Ce petit cargo avait servi
au transport de charbon, des briques de charbon y ont été
retrouvées par Edmond Scelles
Les 2 caboteurs en cours de démontage vers 1950, il n'en
reste plus rien aujourd'hui.
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Un petit navire
de 20 à 25m de longueur s'est échoué pendant
un des 2 hivers 1946 ou 1947, lors d'une tempête de Nord-Est.
Il s'agissait d'un petite navire à coque en béton
armé de construction anglaise, datant de 1917, époque
de guerre où l'on cherchait déjà à économiser
l'acier.
La photo aérienne de l'été
1947 ci-dessous montre la position de l'épave devant les
villas Mathy et Parmentier en ruines.
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Ce petit navire a été démantelé
et retiré de la plage en mars 2003. Les ferrailles du béton
armé devenaient de plus en plus apparentes et créaient
un risque pour les baigneurs.
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Chantier de démolition, mars 2003
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La photo ci-dessus montre
1 / au bord de l'eau à mi-marée, l'épave du
LCI 91 (un Landing Craft Infantry), navire en acier de 50 de
long) échoué et incendié le 6 juin 1944
2 / à droite près de la route, un
appontement ayant servi d'amorce pour une chaussée flottante
"causeway" . On aperçoit l'ombre d'un premier
élément de la chaussée, constituée de
caissons métalliques NLP.
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Photo prise de la passerelle du LCI91 le 6 juin alors que le navire
approchait de la plage ou l'on voyait 2 chars amphibies devant
les obstacles
L'épave en 1946 ou 47
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Le LCI 91 à 8h du matin le 6 juin, en feu
L'épave en 1945
Toutes ces épaves ont été
ferraillées au début des années 50
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3 - En mer, face à la route côtière
de nombreuses épaves parfois toujours recouvertes, parfois toujours
émergentes suivant l'état de la marée :
- devant la descente, à une distance de 600 à 1000 m de
la haute mer, un groupe de 7 pontons Phoenix formait la traverse Ouest
de protection du port.
- un peu plus à l'est, les restes des passerelles flottantes, de
leurs flotteurs, des quais autoélévateurs Lobnitz, étaient
dispersés sur une grande surface au fond de la mer, émergeant
souvent.
- plus au large, à environ 1200m de la ligne de haute mer, paralléles
à la côte, environ 24 pontons Phoenix, étaient alignés
sur 1500 mètres de longueur devant la plage de Vierville. 2 ou
3 d'entre eux émergent encore aujourd'hui aux très grandes
marés basses.
- Un cargo, l'"Exford", s'est échoué sur l'un
de ces pontons, en 1955, pendant les opérations de récupération
des épaves.
les épaves visibles devant Vierville à basse mer
en septembre 1949.
La photo agrandie est renseignée
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Extrait de la carte du Service Hydrographique de 1994. Peu précise,
elle montre néanmoins l'importance des épaves de béton
armé qui subsistent un peu partout devant la plage
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A marée basse, aujourd'hui, (photo de 2003), dans certaines
circonstances de vent et de courant, la trace de la grande digue
des caissons Mulberry (24 caissons alignés) est parfaitement
visible
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Face à Vierville, les 7
pontons de béton armé Phoenix (en 1947) perpendiculaires
à la côte, placés entre 600 et 1000 mètres
du rivage de pleine mer
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La traverse de pontons Phénix devant Vierville, vers 1955
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Epaves de passerelles,1949
ci-dessus,
la colonne qui émerge est une des colonnes-guides des quais
flottants Lobnitz.
Ci-dessous en 1947
A gauche, un ponton auto élévateur "Lobnitz",
et plusieurs flotteurs "Beetles" de passerelles"
Whale". Ces flotteurs sont peut-être en béton
armé. Seuls ceux qui étaient susceptibles de s'échouer
étaient métalliques. (des éléments
de ce chapitre ont été tirés du livre "Itinéraires
par le fond" édité par "Caen Plongée"
en 2004)
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A environ 1200 mètres
du rivage de pleine mer, une ligne de 24 pontons Phoenix
(étirés sur environ 1500m de longueur) sont démantelés
et émergeant parfois encore à marée très
basse.
Vues de la digue de pontons Phénix, démantelés
au fond de l'eau
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Images des pontons du port artificiel
de Omaha Beach, obtenues dans les années 2000 par un sonar
à balayage latéral
images tiré du livre "Itinéraires par le fond"
édité par "Caen Plongée" en 2004
La digue des 24 pontons Phoenix
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Le navire dont on voit le fond de coque
en travers de la digue des Phoenix s'appelle l'Exford. Il
a une histoire assez mouvementée.
L'Exford était un cargo de 7800
tonnes et 122 mètres, construit aux Etas-Unis en 1919 sous
le nom de "Express". Il avait participé à
la bataille de l'Atlantique et faisait partie du malheureux convoi
PQ17 qui en juillet 1942 apporta, au prix de très grosses
pertes, des matériels américains pour les armées
soviétiques, par l'océan artique et le port de Mourmansk.
En mauvais état en 1944, il a été sacrifié
et sabordé sur la digue Gooseberry face à Saint-Laurent
le 26 août 1944, sous le numéro 384, pour renforcer
la protection du port d'Omaha Beach.
En 1951, compte tenu de son état apparent,
l'entreprise de récupération Van Loo avait décidé
de le renflouer pour le faire découper dans un chantier spécialisé.
Après la remise à flot, le navire devait être
remorqué hors du port d'Omaha Beach en passant par la passe
libre existant entre le cuirassé Centurion à l'extrémité
ouest de la digue Mulberry et la digue des pontons Phoenix. Cette
passe était invisible car les Phoenix étaient immergés.
Le pilote chargé de l'opération devait être
distrait, car il a fait une erreur d'un quart de mile à l'ouest
et si son remorqueur à faible tirant d'eau est passé
sans encombre sur les pontons Phoenix, par contre l'énorme
carcasse qu'il tractait est venu s'échouer sur la muraille
invisible dissimulée par la marée haute. Des témoins
racontent qu'après avoir rompu son amarre, la proue du bateau
s'est soulevé d'une dizaine de mètres avant de retomber
en se fracassant en travers, sur les pontons. Il a du être
ferraillé sur place et c'est le fond de la coque qui apparaît
aujourd'hui sur ces images originales.
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Toutes ces épaves faisaient parties
d'un contrat de récupération confié à
l'origine à l'entreprise belge Van Loo. Cette entreprise a travaillé,
semble-t-il de 1949 à 1958, sur l'ensemble des épaves d'Omaha
Beach. Certains Viervillais ont été employés longtemps
dur ce chantier (notamment Monsieur Edmond Scelles). A partir de 1958,
le contrat a été poursuivi quelques années à
cadence réduite par une autre entreprise: Domota.
Je ne sais quel était la mission exacte
confiée à Van Loo, ni à quelles conditions, les épaves
lui ont été vendues par l'Administration Française.
En fait Van Loo s'est limité à l'enlèvement de tous
les matériaux commercialisables à l'époque : pontons
en béton et navires renflouables, métaux non ferreux, ferrailles.
L'entreprise a commencé par les épaves les plus faciles,
notamment celles qui étaient découvertes à marée
basse, et facilement accessibles avec des camions et des grues mobiles
ou flottantes.
Le ponton de béton RCP situé sur la plage devant la maison
Gambier a été renfloué, remorqué et réutilisé
ailleurs.
Les ferrailles étaient parfois envoyées par camion à
Bayeux ou déchargées à Isigny, puis expédiées
aux Aciéries de Mondeville (près de Caen) par wagons SNCF.
Tout ce qui était matériaux en béton armé
et ferrailles trop coûteuses à relever (fond de coques, épaves
ensablées, etc
) a été abandonné sur
place.
Aujourd'hui toutes ces épaves abandonnées restent devant
Vierville, visitées à l'occasion par des clubs de plongée
sous-marine :
- des débris considérables de béton
armé, les débris de pontons Phoenix, (7 de la traverse ouest
et 24 de la liigne ouest-est).
- le fond de coque métallique du cargo Exford (placé en
travers de la ligne des pontons Phoenix, à 1200m du rivage, face
aux villas Parmentier).
- des débris métalliques de quais flottants flotteurs Lobnitz
et de flotteurs de passerelles Beetles immergés et ensablés
devant Vierville (notamment l'un d'eux affleure le sable, visible aux
grandes marées basses).
Il n'avait jamais été question
à l'époque de conserver ces épaves en souvenir des
évènements de 1944. Ce n'était pas du tout la préoccupation
du moment, qui était entièrement vouée aux efforts
exigés par la reconstruction de la France dévastée.
Ces épaves n'étaient pas juridiquement protégées
comme aujourd'hui depuis le classement du Grand Site d'Omaha Beach.
Contrairement à ce qui avait été
espéré par les communes, la vente de ces ferrailles n'a
pas du tout été faite au profit des seules communes d'Omaha
Beach. A l'origine ces épaves étaient propriété
des USA ou de la Grande-Bretagne. Les communes se seraient fait promettre
l'abandon des épaves à leur profit puis leur vente en vue
de financer la distribution publique d'eau potable. Tout cela a été
dit mais cela ne semble pas vérifié par des documents incontestables.
Quoi qu'il en soit, les fonds retirés de la vente aus ferrailleurs
semblent avoir été encaissés par l'administration
française et utilisés à d'autres fins. Quant aux
communes d'Omaha Beach elles ont dû emprunter pour réaliser
leurs projets de distribution d'eau.
Selon certaines informations, les fonds
auraient été attribués au Comité du Débarquement,
qui les auraient employés au financement de monuments sur l'ensemble
des zones de débarquement (notamment les " Signal ",
dont celui de Saint-Laurent, et des monuments de Bayeux), à subventionner
la reconstruction des églises ?, à la construction du Musée
d'Arromanches exploité par le Comité du Débarquement.
Par la suite les revenus importants de ce musée ont servi au financement
des commémorations du 6 juin organisées par le Comité
du Débarquement sur l'ensemble des plages.
Ces épaves, par leur importante
valeur, ont été l'objet de convoitises diverses. Voici
ce que le livre "Epaves de la Baie de Seine, Itinéraire
2" en dit: (pages 157 et 158)
"Les épaves d'Omaha ~ un enjeu politique et économique de 1945 à
1952, ou comment construire son musée quand on est Gaulliste après-guerre ?
"Propriétaire terrien,
rédacteur en chef de la revue agricole le Cri du Sol de 1936 à
1939, Raymond Triboulet entre dans le mouvement de résistance
CDLR (Ceux de la Résistance) de 1939 à 1944. Lors du débarquement
allié, il prend rapidement le parti de De Gaulle. Nommé sous-préfet
de Bayeux dès la libération du Bessin, il est élu député du Calvados
en 1946.
Le 8 mai 1947, une loi déclare"site
national" la partie terrestre de Port Winston (port artificiel
d'Arromanches) ; les vestiges du port restent propriété des Anglais.
Le 21 mai 1947, une loi votée
par le Parlement sur l'initiative de Raymond Triboulet concerne
la construction de deux musées relatifs au souvenir du débarquement,
l'un à Arromanches, l'autre à Cherbourg.
Après les élections d'octobre
1947, Raymond Triboulet se retrouve dans l'opposition et perd
ses relais ministériels, son projet de musée s'en trouve ralenti.
En fait, il semble tout simplement tomber dans les oubliettes
du pouvoir.
Max Lejeune député socialiste
de 1948 à 1951 est aussi Secrétaire d'Etat aux Forces Armées du
gouvernement Blum; c'est lui qui, un jour de décembre 1948, signe
une troublante convention d'échange remettant en cause le projet
de Raymond Triboulet.
Cette convention signée le 24
décembre 1948 entre un négociant en métaux et ferrailleur d'Anvers
et la France, notifie l'échange officiel des épaves d'Omaha contre
735 blindés Sherman M4 A4 et 2 000 tonnes d'armes et de pièces
détachées diverses.
Depuis sa signature et malgré
les rumeurs, cette convention est restée taboue et ne rentre pas
dans l'histoire officielle des épaves. (il n'y a pas d'histoire
"officielle", ce qui suit est un témoignage de
seconde main et probablement verbal, de la part de Raymond Triboulet
aux auteurs)
En effet, dans leur "Histoire
d'Arromanches", tome 2 de 1850 à 1960, publiée en juillet
2003, Hervé et Pascal Baptiste, rapportent le témoignage de Raymond
Triboulet, fondateur du Comité du Débarquement.
Selon ce témoignage, le gouvernement
américain cède gracieusement le 23 décembre 1946, les épaves d'Omaha
au Comité du Débarquement. Cette donation est visiblement facilitée
par le prestige que Raymond Triboulet a acquis auprès de quelques
officiers américains. (Cette cession par les Américains,
qui existe vraisemblablement, même si on n'en a pas le contrat,
devait concerner uniquement les ports Américains d'Omaha
et Utah, et peut-être seulement celui d'Omaha. Ce
qui se raconte à Vierville, témoignages indirects
aussi, mais vraisemblables, c'est que les Américains auraient
fait don des ferrailles "aux populations locales" pour
qu'elles puissent faire installer des disitributions publiques
d'eau courante. Cette interprétation conduit les dites
populations à considérer que Raymond Triboulet,
par son influence politique, a réussi à faire attribuer
les fonds au Comité de Débarquement, qui les a utilisés
pour construire le seul musée d'Arromanches et le monument
mémorial de l'entrée de Bayeux où figurent
son effigie et celle du Général De Gaulle. Quant
aux distribution d'eau, les communes d'Omaha Beach ont dû
emprunter pour les réaliser.)
Vers 1950, le Comité du Débarquement décide de vendre ces épaves,
et toujours selon les auteurs, cette "vente" libère
la somme de 180 millions de francs (4 millions d'euros actuels)
qui sera versée sur le budget du Ministère de l'Education
Nationale. L'argent est officiellement mis en réserve en prévision
de la construction d'un musée à Arromanches sur le thème du D‑DAY
avec l'appui de quelques entreprises privées britanniques. La
crise gouvernementale de 1951, permet au Normand de retrouver
les oreilles attentives du pouvoir qui peut enfin réaliser son
cher musée. Entrepris en 1952, inauguré en 1954, ce musée dont
le succès ne s'est jamais démenti, assura la fortune du Comité
de Débarquement.
Quoi qu'en dise Raymond Triboulet,
les épaves selon la convention signée par Max Lejeune, étaient
encore la propriété de l'Etat en 1948. Comment a-t-il pu en disposer
en 1950 alors qu'elles avaient été échangées deux ans auparavant
contre des armes, et que certaines avaient déjà été ferraillées
dès 1947.
Dans ces sources, qui rapportent
la seule version officielle de Raymond Triboulet, on ne sait pas
comment s'est effectué cette "vente", de gré à gré ou
aux enchères ? L'acheteur n'est jamais cité."
........ (C'est l'entreprise Belge de Victor Van Loo qui a
travaillé de 1949 à 1958 sur les épaves d'Omaha
Beach)
........" Le plus gros navire du Gooseberry de Omaha
est le cuirassé HMS Centurion de 23.000 tonnes appartenant
à la Royal Navy.
Il parait très douteux que ce bateau fasse partie de la
cession par les Américains au Comité du Débarquement
en 1946. Cette absence probable du lot dévalorise le potentiel
de métaux à récupérer bien que ce
navire ne posséde plus son artillerie. (en fait le Centurion
a bien été effectivement ferraillé par Van
Loo)
2 autres cargos d'origine anglaise sont dans le même cas:
le Maycrest et le Stanwell réquisitionnés par le
MOWT (Minister Of War) 29 juin 1944. (eux aussi ont été
ferraillés par Van Loo, la propriété britannique
ne semble pas avoir gêné ni les négociateurs
de la vente, ni Van Loo)
Sur les photos IGN de 1947 des plages d'Omaha, un an avant la
cession à la Société Van Loo, il manque déjà
quelques navires dont deux panaméens, le Flight Command
et l'Audacious.
Par ailleurs de nombreuses photos et cartes postales datées
de 1947 montrent 2 navires non identifiés, échoués
tout près de la plage des Moulins dont un en cours de démolition.
La présence de ces 2 cargos reste énigmatique.
Qui a déjà renfloué et ferraillé ces
navires avant le fameux échange de 1948? Un mystère
de plus."
(Je peux témoigner que les 2 caboteurs échoués
sur la plage étaient sur Omaha Beach dès le départ
des Américains en décembre 44, dans leur position
figurant sur la photo IGN de 1947, et qu'ils n'ont pas été
démolis avant les années 50, ce qui a été
fait par Van Loo, je les ai visité presque tous les ans
dans ces années là. Quant aux cartes postales montrant
ces navires en cours de démolition, elles ne peuvent dater
que d'après 1949.
Ces navires étaient de petite taille et ne peuvent être
confondus avec les 2 panaméens "disparus". Leur
disparition pourrait alors dater de l'année 1944, car il
n'y a pas eu de ferraillages entre 1945 et 1948. Mais ces navires
très exposés devaient être irrécupérables
par renflouement, et les Américains ne se préoccupaient
pas de récupérer de la ferraille en 1944. Alors
une possibilité existe que ces navires invisibles sur la
photo de 1947 étaient tout simplement déjà
démantelés par les tempêtes, Van Loo aurait
alors ferraillé leurs restes jusqu'à la quille comme
pour tous les autres)
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