574

La reconstruction de Vierville


4 - L'enlèvement des épaves maritimes     1949-55




L'histoire de l'enlèvement des épaves d'Omaha Beach est mal connue et a fait l'objet de nombreuses rumeurs peu vérifiées.
Quoiqu'il en soit des aspects commerciaux et juridiques, et en se limitant aux matériels qui étaient devant la commune de Vierville, on peut indiquer ceci :


Au début de 1945, des épaves nombreuses étaient dispersées sur les rivages de Vierville:
     1 - sur l'estran, sous la falaise, de la limite de Louvières à la maison de Mr Gambier.
     2 - sur l'estran, entre cette maison et la limite de Saint-Laurent sur Mer.
     3 - en mer, face à Vierville, c'est à dire dans les limites du port artificiel MulberryA, ce qui exclut les épaves du Gooseberry B qui étaient devant Saint-Laurent et Colleville

1 - Sous la falaise, depuis la limite de Louvières jusqu'à la maison de Mr Gambier, il y avait de nombreuses et importantes épaves métalliques, essentiellement des restes de "bombardons" (grandes structures métalliques de 60 mètres de long, ayant servi de brise-lames flottants).

[Pour mémoire, l'épave du LCI 92, (Landing Craft Infantry), un navire métallique de 50 mètres de long, était échouée sur le territoire de Louvières, dans ce que l'on appelle parfois la fosse de la Pécherie. Dans le sable de cette fosse, on voyait aussi les restes d'un moteur d'avion allemand avec son hélice en duralumin et l'épave d'un petit canot d'où ont été recupérés une hélice en bronze (diamètre 35cm), avec son arbre porte-hélice en bronze (diamètre 25mm) et le presse-étoupe]


Juin 1944 - Lors de la tempête des 19-21 juin 44, plusieurs des 24 brise-lames flottants "bombardons", cruciformes, de 60 mètres de long, se sont échoués sous le falaise et se sont démantelés sur place.

A l'origine ces 24 bombardons étaient ancrés paralléles à la côte, à 1600m de la laisse de haute mer. Ils ont tous ont brisé leurs amarrages et se sont dispersés sur le rivage de Colleville à Louvières.


Août 1947, vue aérienne montrant le LCI92 et les restes de bombardons




Toutes ces grosses épaves métalliques ont été découpées et enlevées avec des grues et des camions par les entreprises de récupération dès les années 49-50


Vers1945, sous la falaise, avant la fosse de la Pécherie, on voit les gros bombardons échoués et encore peu démembrés.

Ci-dessous, vers 1947, au même endroit, on les aperçoit en morceaux de plus faibles dimensions

2 - Sur la plage, depuis la maison de Mr Gambier et jusqu'à Sant-Laurent on trouvaient successivement
- de nombreuses petites épaves diverses sous la maison Gambier
- 2 grands docks RCP de 25m de longueur,
- Juste après la descente, de nombreuses petites épaves, surtout des flotteurs "beetles" plus ou moins démembrés,
- à 1km de la descente, 2 petits cargos caboteurs échoués sur la plage
- [à 1100m de la descente, l'épave d'un petit bateau à coque en béton armé s'est ajoutée en hiver 1946 ou 47]
- à 1300m de la descente, l'épave du LCI 91 gisait au milieu de la plage
- à 1350m de la descente, se trouvait les restes d'un appontement pour une route flottante "causeway"


1947, sous la maison de Mr Gambier et sous la descente de Vierville, la photo aérienne montre les diverses épaves, les 2 grands docks de béton armés type RCP et de nombreuses petites épaves métalliques :


Ces petites épaves avaient diverses origines:
- des éléments de "beetles" (les flotteurs métalliques des passerelles flottantes)
- des caissons NLP (Navy Light Pontoon, petits éléments parallélépipédiques, 2mx2mx2m environ, qui, assemblés, formaient l'ossature des grand pontons Rhinoferry et des chaussées flottantes Causeway). ces caissons étaient soit isolés, soit groupés en assemblages plus ou moins importants
- de nombreuses épaves de petites dimensions, morceau de petites embarcations, etc..


1945, sous la maison Gambier, des épaves diverses.


Sur une photo de 1947, les mêmes petites épaves métalliques qui ont été enlevées dès 1949/50 par les récupérateurs.

Les 2 pontons RCP (Reinforced Concrete Pontoon) d'environ 25mx16m chacun étaient à l'origine accrochés aux quais flottants auto élévateurs "Lobnitz" et leurs servaient de prolongateur et de lien entre 2 quais Lobnitz
- l'un se trouvait à 300 m du rivage, au droit de la maison de la falaise de Mr. Gambier,
- l'autre se trouvait sur le haut de la plage sous la descente de Vierville, où il se trouve encore.


Vue vers la Percée. On voit à droite les 2 pontons RCP, vestiges du Mulberry


Les 2 docks RCP vers 1947, celui situé sur la laisse de basse mer, face à la maison Gambier, a été renfloué vers1950 et revendu par l'entreprise de récupération d'épaves










Le dock RCP proche de la laisse de pleine mer. Vers 1947, il n'était pas raccordé à la côte par les remblais apportés entre 1950 et 1980


1984, ce dock RCP sert aujourd'hui d'appui pour la passerelle construite par la commune pour les besoins des touristes et des pêcheurs à la ligne dans les années 70

 

 


















Devant l'actuel Bar de la Plage, subsistaient des caissons NLP et des éléments de Beetles (les flotteurs de passerelles), dispersés à l'emplacement des 3 passerelles flottantes "Whale" détruites par la tempête du 19-21 juin 44. Il y avait aussi un morceau de bombardon resté sur la plage.


1947 emplacement des épaves diverses


1945 Vue d'ensemble de la plage de Vierville début 1945.


1945 - Des épaves de flotteurs "Beetles" et de caissons NLP devant Vierville









Toutes ces épaves ont été retirées dès 1949-50 par les entreprises de ferraillage.
Toutefois un flotteur beetle entier a échappé à la récupération, il devait être enfoncé dans le sable et peu visible près de la laisse de basse mer. Le voici, photo graphié en 1984. Il était encore visible lors des très grandes marées en 2010 :




 


A mi chemin de Saint-Laurent et à 150m du rivage, les épaves de 2 petits cargos caboteurs (environ 70 et 100m de longueur environ chacun)
Les 2 cargos sur la plage de Vierville. Ils ont été abondamment photographiés.

A droite, on aperçoit l'épave du LCI 91, au milieu de la plage




 







1945-Vue prise de la falaise au dessus de la villa Mathy en ruine




vers 1948, avant l'enlèvement des épaves

vers 1950



Ce petit cargo avait servi au transport de charbon, des briques de charbon y ont été retrouvées par Edmond Scelles




Les 2 caboteurs en cours de démontage vers 1950, il n'en reste plus rien aujourd'hui.





Un petit navire de 20 à 25m de longueur s'est échoué pendant un des 2 hivers 1946 ou 1947, lors d'une tempête de Nord-Est.

Il s'agissait d'un petite navire à coque en béton armé de construction anglaise, datant de 1917, époque de guerre où l'on cherchait déjà à économiser l'acier.



La photo aérienne de l'été 1947 ci-dessous montre la position de l'épave devant les villas Mathy et Parmentier en ruines.

Ce petit navire a été démantelé et retiré de la plage en mars 2003. Les ferrailles du béton armé devenaient de plus en plus apparentes et créaient un risque pour les baigneurs.










Chantier de démolition, mars 2003


La photo ci-dessus montre
1 / au bord de l'eau à mi-marée, l'épave du LCI 91 (un Landing Craft Infantry), navire en acier de 50 de long) échoué et incendié le 6 juin 1944

2 / à droite près de la route, u
n appontement ayant servi d'amorce pour une chaussée flottante "causeway" . On aperçoit l'ombre d'un premier élément de la chaussée, constituée de caissons métalliques NLP.


Photo prise de la passerelle du LCI91 le 6 juin alors que le navire approchait de la plage ou l'on voyait 2 chars amphibies devant les obstacles


L'épave en 1946 ou 47

 


Le LCI 91 à 8h du matin le 6 juin, en feu



L'épave en 1945

Toutes ces épaves ont été ferraillées au début des années 50

 

3 - En mer, face à la route côtière de nombreuses épaves parfois toujours recouvertes, parfois toujours émergentes suivant l'état de la marée :
- devant la descente, à une distance de 600 à 1000 m de la haute mer, un groupe de 7 pontons Phoenix formait la traverse Ouest de protection du port.
- un peu plus à l'est, les restes des passerelles flottantes, de leurs flotteurs, des quais autoélévateurs Lobnitz, étaient dispersés sur une grande surface au fond de la mer, émergeant souvent.
- plus au large, à environ 1200m de la ligne de haute mer, paralléles à la côte, environ 24 pontons Phoenix, étaient alignés sur 1500 mètres de longueur devant la plage de Vierville. 2 ou 3 d'entre eux émergent encore aujourd'hui aux très grandes marés basses.
- Un cargo, l'"Exford", s'est échoué sur l'un de ces pontons, en 1955, pendant les opérations de récupération des épaves
.


les épaves visibles devant Vierville à basse mer en septembre 1949.
La photo agrandie est renseignée

 

 


Extrait de la carte du Service Hydrographique de 1994. Peu précise, elle montre néanmoins l'importance des épaves de béton armé qui subsistent un peu partout devant la plage


A marée basse, aujourd'hui, (photo de 2003), dans certaines circonstances de vent et de courant, la trace de la grande digue des caissons Mulberry (24 caissons alignés) est parfaitement visible

 

 

 

 

Face à Vierville, les 7 pontons de béton armé Phoenix (en 1947) perpendiculaires à la côte, placés entre 600 et 1000 mètres du rivage de pleine mer


La traverse de pontons Phénix devant Vierville, vers 1955

 

 

 

 

 


Epaves de passerelles,1949 ci-dessus,
la colonne qui émerge est une des colonnes-guides des quais flottants Lobnitz.
Ci-dessous en 1947


A gauche, un ponton auto élévateur "Lobnitz", et plusieurs flotteurs "Beetles" de passerelles" Whale". Ces flotteurs sont peut-être en béton armé. Seuls ceux qui étaient susceptibles de s'échouer étaient métalliques. (des éléments de ce chapitre ont été tirés du livre "Itinéraires par le fond" édité par "Caen Plongée" en 2004)

A environ 1200 mètres du rivage de pleine mer, une ligne de 24 pontons Phoenix (étirés sur environ 1500m de longueur) sont démantelés et émergeant parfois encore à marée très basse.


Vues de la digue de pontons Phénix, démantelés au fond de l'eau

 

 

Images des pontons du port artificiel de Omaha Beach, obtenues dans les années 2000 par un sonar à balayage latéral
images tiré du livre "Itinéraires par le fond" édité par "Caen Plongée" en 2004


La digue des 24 pontons Phoenix


Le cargo Exford échoué en travers de la digue de pontons "Phénix"



Cette vue montre à gauche le cargo "Exford" renfloué puis échoué accidentellement sur la digue submergée des "Phenix"


Un des cargos, l'"Exford", sabordé en août 1944 sur la digue Gooseberry face à St-Laurent, a été renfloué en 1951 pour être récupéré complètement Il s'est échoué sur les épaves de pontons Phoenix deavnt Vierville.non visibles.
Il a été alors ferraillé comme les autres cargos, et son fond de coque est toujours en place, en travers de la digue des Phoenix.

Le navire dont on voit le fond de coque en travers de la digue des Phoenix s'appelle l'Exford. Il a une histoire assez mouvementée.

L'Exford était un cargo de 7800 tonnes et 122 mètres, construit aux Etas-Unis en 1919 sous le nom de "Express". Il avait participé à la bataille de l'Atlantique et faisait partie du malheureux convoi PQ17 qui en juillet 1942 apporta, au prix de très grosses pertes, des matériels américains pour les armées soviétiques, par l'océan artique et le port de Mourmansk.

En mauvais état en 1944, il a été sacrifié et sabordé sur la digue Gooseberry face à Saint-Laurent le 26 août 1944, sous le numéro 384, pour renforcer la protection du port d'Omaha Beach.


En 1951, compte tenu de son état apparent, l'entreprise de récupération Van Loo avait décidé de le renflouer pour le faire découper dans un chantier spécialisé. Après la remise à flot, le navire devait être remorqué hors du port d'Omaha Beach en passant par la passe libre existant entre le cuirassé Centurion à l'extrémité ouest de la digue Mulberry et la digue des pontons Phoenix. Cette passe était invisible car les Phoenix étaient immergés.

Le pilote chargé de l'opération devait être distrait, car il a fait une erreur d'un quart de mile à l'ouest et si son remorqueur à faible tirant d'eau est passé sans encombre sur les pontons Phoenix, par contre l'énorme carcasse qu'il tractait est venu s'échouer sur la muraille invisible dissimulée par la marée haute. Des témoins racontent qu'après avoir rompu son amarre, la proue du bateau s'est soulevé d'une dizaine de mètres avant de retomber en se fracassant en travers, sur les pontons. Il a du être ferraillé sur place et c'est le fond de la coque qui apparaît aujourd'hui sur ces images originales.




Toutes ces épaves faisaient parties d'un contrat de récupération confié à l'origine à l'entreprise belge Van Loo. Cette entreprise a travaillé, semble-t-il de 1949 à 1958, sur l'ensemble des épaves d'Omaha Beach. Certains Viervillais ont été employés longtemps dur ce chantier (notamment Monsieur Edmond Scelles). A partir de 1958, le contrat a été poursuivi quelques années à cadence réduite par une autre entreprise: Domota.

Je ne sais quel était la mission exacte confiée à Van Loo, ni à quelles conditions, les épaves lui ont été vendues par l'Administration Française.

En fait Van Loo s'est limité à l'enlèvement de tous les matériaux commercialisables à l'époque : pontons en béton et navires renflouables, métaux non ferreux, ferrailles.
L'entreprise a commencé par les épaves les plus faciles, notamment celles qui étaient découvertes à marée basse, et facilement accessibles avec des camions et des grues mobiles ou flottantes.
Le ponton de béton RCP situé sur la plage devant la maison Gambier a été renfloué, remorqué et réutilisé ailleurs.
Les ferrailles étaient parfois envoyées par camion à Bayeux ou déchargées à Isigny, puis expédiées aux Aciéries de Mondeville (près de Caen) par wagons SNCF.
Tout ce qui était matériaux en béton armé et ferrailles trop coûteuses à relever (fond de coques, épaves ensablées, etc…) a été abandonné sur place.

Aujourd'hui toutes ces épaves abandonnées restent devant Vierville, visitées à l'occasion par des clubs de plongée sous-marine :
- des débris considérables de béton armé, les débris de pontons Phoenix, (7 de la traverse ouest et 24 de la liigne ouest-est).
- le fond de coque métallique du cargo Exford (placé en travers de la ligne des pontons Phoenix, à 1200m du rivage, face aux villas Parmentier).
- des débris métalliques de quais flottants flotteurs Lobnitz et de flotteurs de passerelles Beetles immergés et ensablés devant Vierville (notamment l'un d'eux affleure le sable, visible aux grandes marées basses).

Il n'avait jamais été question à l'époque de conserver ces épaves en souvenir des évènements de 1944. Ce n'était pas du tout la préoccupation du moment, qui était entièrement vouée aux efforts exigés par la reconstruction de la France dévastée. Ces épaves n'étaient pas juridiquement protégées comme aujourd'hui depuis le classement du Grand Site d'Omaha Beach.

Contrairement à ce qui avait été espéré par les communes, la vente de ces ferrailles n'a pas du tout été faite au profit des seules communes d'Omaha Beach. A l'origine ces épaves étaient propriété des USA ou de la Grande-Bretagne. Les communes se seraient fait promettre l'abandon des épaves à leur profit puis leur vente en vue de financer la distribution publique d'eau potable. Tout cela a été dit mais cela ne semble pas vérifié par des documents incontestables. Quoi qu'il en soit, les fonds retirés de la vente aus ferrailleurs semblent avoir été encaissés par l'administration française et utilisés à d'autres fins. Quant aux communes d'Omaha Beach elles ont dû emprunter pour réaliser leurs projets de distribution d'eau.

Selon certaines informations, les fonds auraient été attribués au Comité du Débarquement, qui les auraient employés au financement de monuments sur l'ensemble des zones de débarquement (notamment les " Signal ", dont celui de Saint-Laurent, et des monuments de Bayeux), à subventionner la reconstruction des églises ?, à la construction du Musée d'Arromanches exploité par le Comité du Débarquement. Par la suite les revenus importants de ce musée ont servi au financement des commémorations du 6 juin organisées par le Comité du Débarquement sur l'ensemble des plages.

Ces épaves, par leur importante valeur, ont été l'objet de convoitises diverses. Voici ce que le livre "Epaves de la Baie de Seine, Itinéraire 2" en dit: (pages 157 et 158)

"Les épaves d'Omaha ~ un enjeu politique et économique de 1945 à 1952, ou comment construire son musée quand on est Gaulliste après-guerre ?

"Propriétaire terrien, rédacteur en chef de la revue agricole le Cri du Sol de 1936 à 1939, Raymond Triboulet entre dans le mouvement de résistance CDLR (Ceux de la Résistance) de 1939 à 1944. Lors du débarquement allié, il prend rapidement le parti de De Gaulle. Nommé sous-préfet de Bayeux dès la libération du Bessin, il est élu député du Calvados en 1946.

Le 8 mai 1947, une loi déclare"site national" la partie terrestre de Port Winston (port artificiel d'Arromanches) ; les vestiges du port restent propriété des Anglais.

Le 21 mai 1947, une loi votée par le Parlement sur l'initiative de Raymond Triboulet concerne la construction de deux musées relatifs au souvenir du débarquement, l'un à Arromanches, l'autre à Cherbourg.

Après les élections d'octobre 1947, Raymond Triboulet se retrouve dans l'opposition et perd ses relais ministériels, son projet de musée s'en trouve ralenti. En fait, il semble tout simplement tomber dans les oubliettes du pouvoir.

Max Lejeune député socialiste de 1948 à 1951 est aussi Secrétaire d'Etat aux Forces Armées du gouvernement Blum; c'est lui qui, un jour de décembre 1948, signe une troublante convention d'échange remettant en cause le projet de Raymond Triboulet.

Cette convention signée le 24 décembre 1948 entre un négociant en métaux et ferrailleur d'Anvers et la France, notifie l'échange officiel des épaves d'Omaha contre 735 blindés Sherman M4 A4 et 2 000 tonnes d'armes et de pièces détachées diverses.

Depuis sa signature et malgré les rumeurs, cette convention est restée taboue et ne rentre pas dans l'histoire officielle des épaves. (il n'y a pas d'histoire "officielle", ce qui suit est un témoignage de seconde main et probablement verbal, de la part de Raymond Triboulet aux auteurs)

En effet, dans leur "Histoire d'Arromanches", tome 2 de 1850 à 1960, publiée en juillet 2003, Hervé et Pascal Baptiste, rapportent le témoignage de Raymond Triboulet, fondateur du Comité du Débarquement.

Selon ce témoignage, le gouvernement américain cède gracieusement le 23 décembre 1946, les épaves d'Omaha au Comité du Débarquement. Cette donation est visiblement facilitée par le prestige que Raymond Triboulet a acquis auprès de quelques officiers américains. (Cette cession par les Américains, qui existe vraisemblablement, même si on n'en a pas le contrat, devait concerner uniquement les ports Américains d'Omaha et Utah, et peut-être seulement celui d'Omaha. Ce qui se raconte à Vierville, témoignages indirects aussi, mais vraisemblables, c'est que les Américains auraient fait don des ferrailles "aux populations locales" pour qu'elles puissent faire installer des disitributions publiques d'eau courante. Cette interprétation conduit les dites populations à considérer que Raymond Triboulet, par son influence politique, a réussi à faire attribuer les fonds au Comité de Débarquement, qui les a utilisés pour construire le seul musée d'Arromanches et le monument mémorial de l'entrée de Bayeux où figurent son effigie et celle du Général De Gaulle. Quant aux distribution d'eau, les communes d'Omaha Beach ont dû emprunter pour les réaliser.)

Vers 1950, le Comité du Débarquement décide de vendre ces épaves, et toujours selon les auteurs, cette "vente" libère la somme de 180 millions de francs (4 millions d'euros actuels) qui sera versée sur le budget du Ministère de l'Education Nationale. L'argent est officiellement mis en réserve en prévision de la construction d'un musée à Arromanches sur le thème du D‑DAY avec l'appui de quelques entreprises privées britanniques. La crise gouvernementale de 1951, permet au Normand de retrouver les oreilles attentives du pouvoir qui peut enfin réaliser son cher musée. Entrepris en 1952, inauguré en 1954, ce musée dont le succès ne s'est jamais démenti, assura la fortune du Comité de Débarquement.

Quoi qu'en dise Raymond Triboulet, les épaves selon la convention signée par Max Lejeune, étaient encore la propriété de l'Etat en 1948. Comment a-t-il pu en disposer en 1950 alors qu'elles avaient été échangées deux ans auparavant contre des armes, et que certaines avaient déjà été ferraillées dès 1947.

Dans ces sources, qui rapportent la seule version officielle de Raymond Triboulet, on ne sait pas comment s'est effectué cette "vente", de gré à gré ou aux enchères ? L'acheteur n'est jamais cité."


........ (C'est l'entreprise Belge de Victor Van Loo qui a travaillé de 1949 à 1958 sur les épaves d'Omaha Beach)

........
" Le plus gros navire du Gooseberry de Omaha est le cuirassé HMS Centurion de 23.000 tonnes appartenant à la Royal Navy.
Il parait très douteux que ce bateau fasse partie de la cession par les Américains au Comité du Débarquement en 1946. Cette absence probable du lot dévalorise le potentiel de métaux à récupérer bien que ce navire ne posséde plus son artillerie. (en fait le Centurion a bien été effectivement ferraillé par Van Loo)

2 autres cargos d'origine anglaise sont dans le même cas: le Maycrest et le Stanwell réquisitionnés par le MOWT (Minister Of War) 29 juin 1944. (eux aussi ont été ferraillés par Van Loo, la propriété britannique ne semble pas avoir gêné ni les négociateurs de la vente, ni Van Loo)
Sur les photos IGN de 1947 des plages d'Omaha, un an avant la cession à la Société Van Loo, il manque déjà quelques navires dont deux panaméens, le Flight Command et l'Audacious.
Par ailleurs de nombreuses photos et cartes postales datées de 1947 montrent 2 navires non identifiés, échoués tout près de la plage des Moulins dont un en cours de démolition. La présence de ces 2 cargos reste énigmatique.
Qui a déjà renfloué et ferraillé ces navires avant le fameux échange de 1948? Un mystère de plus."


(Je peux témoigner que les 2 caboteurs échoués sur la plage étaient sur Omaha Beach dès le départ des Américains en décembre 44, dans leur position
figurant sur la photo IGN de 1947, et qu'ils n'ont pas été démolis avant les années 50, ce qui a été fait par Van Loo, je les ai visité presque tous les ans dans ces années là. Quant aux cartes postales montrant ces navires en cours de démolition, elles ne peuvent dater que d'après 1949.
Ces navires étaient de petite taille et ne peuvent être confondus avec les 2 panaméens "disparus". Leur disparition pourrait alors dater de l'année 1944, car il n'y a pas eu de ferraillages entre 1945 et 1948. Mais ces navires très exposés devaient être irrécupérables par renflouement, et les Américains ne se préoccupaient pas de récupérer de la ferraille en 1944. Alors une possibilité existe que ces navires invisibles sur la photo de 1947 étaient tout simplement déjà démantelés par les tempêtes, Van Loo aurait alors ferraillé leurs restes jusqu'à la quille comme pour tous les autres)

Retour accueil