642

Le château du Vaumicel

Son nom a varié légèrement au cours des siècles, il s'est écrit Valmisset en 1551, puis Vaumisset de 1616 à 1808, Vomicel en 1850 et finalement Vaumicel.

(extraits et adaptations des Notes Historiques sur le Bessin (1930), de documents de la famille de Bellaigue et de diverses autres sources)

       ( Voir aussi les 2 albums des anciennes cartes postales du Vaumicel 1 et 2 )

Ce manoir Renaissance, construit au 16ème siècle, classé Monument Historique en 1927, conserve une disposition médiévale.
Le manoir et ses dépendances formait autrefois un grand rectangle, encore facilement reconnaissable.
Le corps principal du manoir a conservé son cachet avec ses 2 tours rondes au sud et ses 2 tourelles en encorbellement au nord.
On y retrouve cependant sur la face sud, les traces des éléments défensifs du manoir dont les 2 tours rondes étaient le noeud. L'une d'elles, celle qui correspnd à l'est à la double porte, défendait l'entrée principale, l'autre à l'ouest, l'issue sur la campagne.
La plus intéressante des 2 tours est celle du sud-ouest, flanquée d'une tourelle de même hauteur à toit de pierres. Celle-ci contient un escalier à vis qui aboutit à l'étage supérieur à une petite plate-forme presque de plain-pied: c'était la tour de guet.
La tourelle nord-est se compose d'une série de tores successifs et terminée à son extrémité inférieure par un cul de lampe. Aussi, en encorbellment, la tourelle nord-ouest porte 3 fenêtres, pareillement ornées et falnquées chacune de 2 meurtrières allongées (archères).
La façade nord comporte, outre ses fenêtres modernes, une fenêtre à meneau au premier étage et une petite fenêtre dont l'entourage est orné au rez-de-chaussée.

Edifié sur des infrastructures du 14ème siècle, cette demeure est la propriété de la famille de Bellaigue de Bughas depuis plus d'un siècle.

Voici ce qu'en disait un document publicitaire de 1932:

"Partant de Lormel deux chemins conduisent au plus curieux manoir de la région, le Château du Vaumicel :
Son nom s'est écrit : Vaumisset, Vaumicel et Vomicel. D'abord fermé et entouré de fossés il est actuellement ouvert à tout venant par sa propriétaire, Mme la Vicomtesse de Bellaigue de Bughas On voit encore une partie des tours d'angle et la totalité de celles qui flanquent le logis. Très curieux sont les encorbellements plus ou moins cachés par le lierre qui envahit ceux du couchant. Cette construction peut remonter au XV°.
En longeant le mur oriental, par le chemin vert, on arrive au Manoir de Than"

Parmi les vestiges Viervillais des siècles passés, ce château du Vaumicel est le plus original. Jadis, Arcisse de Caumont avait attiré l'attention sur ce manoir. Il l'avait décrit et figuré dans sa Statistique monumentale du Calvados. Plus tard, M. Ch. Le Goffic lui avait consacré une page intéressante dans la Normandie monumentale et illustrée. Bien que les géographies et les guides un peu complets mentionnent le Vaumicel, il est relativement peu connu à cause de sa situation à l'écart du village de Vierville, au milieu d'herbages encadrés de haies touffues et de rangées d'arbres élevés. Pour le découvrir il faut se perdre dans ces petits chemins vicinaux, qui sont un des charmes du Bessin. Et aujourd'hui, impossible de le montrer aux touristes voyageant en car.


Vue aérienne
(détails)


La face Est avec la tour SE et la tourelle NE
(détails)


La face Sud avec ses 2 tours O et E
(détails)

 

Du cœur du village de Vierville représenté par le carrefour des routes de Port-en-Bessin à Isigny et de Trévières à la mer, on se dirige vers l'église qu'on contourne, et on poursuit son chemin jusqu'à la ferme de l'Ormel, au delà de laquelle se trouve une bifurcation, dont on suit la branche droite: celle-ci, à environ cent pas de sa naissance reçoit à angle droit un chemin de traverse. C'est l'allée qui conduit au Vaumicel dont on ne tarde pas à longer la façade.

La description du manoir

Le manoir et ses dépendances formaient autrefois un grand rectangle encore facilement reconnaissable. Le côté Sud était occupé par le corps de logis principal flanqué de deux tours d'angle rondes. L'une défendait l'entrée comportant une grande porte charretière et une porte bâtarde, toutes deux cintrées. Aujourd'hui la grande porte a perdu son arcade. L'autre tour défendait l'issue sur la campagne
Une construction secondaire rejoignait un vaste bâtiment se développant sur près de la moitié du côté Est du rectangle, fortifié à ses deux extrémités par deux tours rondes.
Des murs élevés où s'appuyaient d'autres bâtiments d'exploitation fermaient les côtés Nord et Ouest, délimitant ainsi une vaste cour intérieure.
 Aujourd'hui bien que le corps principal du manoir ait conservé son cachet avec ses deux tours rondes au Sud et ses deux tourelles en encorbellement au Nord, une partie de la disposition ancienne a disparu par suite des nécessités de l'exploitation agricole et du désir de libérer l'habitation de l'emmurement devenu trop strict.

Le bâtiment principal cantonné de ses deux tours et de ses deux tourelles est séparé de la route par un petit jardin clos d'un mur peu élevé.
La façade méridionale est percée d'ouvertures ayant perdu leur caractère primitif. Les lucarnes ont été refaites il y a une vingtaine d'années.(vers 1910)
La façade septentrionale donnant sur une cour intérieure présente des portes et des fenêtres modernes, sauf une ouverture qui a conservé son meneau, au premier étage et une petite fenêtre dont l'entourage est orné au rez-de-chaussée.


La tourelle NO et la tour SO
(détails)


Le Vaumicel dans le cadastre de 1823


(détails) Le Vaumicel dans le livre d'Arcisse de Caumont (vers 1850)


La face Nord avec les tourelles NE et NO
(détails)











Le Vaumicel, décrit par le Plan Local d'Urbanisme
(2011)

Commentaires du Plan Local d'Urbanisme (2011)
"Implantation du bâti ancien : L'effet d'enceinte - Le château du Vaumicel
Depuis le lointain, le château du Vaumicel fait figure d'enceinte impénétrable.
Les bâtiments agricoles au premier plan forme une ligne d'enceinte qui laisse percevoir le château situé en arrière plan (orienté NO/SE avec une très légère inclinaison).
Des haies chétives cadrent l'ensemble et quelques ponctuations d'arbres viennent asseoir le bâti.
Depuis le chemin du Vaumicel on aborde le château qui se laisse dévoiler en certains endroits. Une partie du parc, ainsi que les enherbements au pied des murs ou bien encore les ruines, participent ainsi à l'agrément de l'espace public."


Les tourelles en encorbellement sont très bien conservées.

Celle du Nord Est, malheureusement décapitée avant l'arrivée des propriétaires actuels, se compose d'une série de tores successifs en retrait les uns sur les autres et terminée à son extrémité inférieure par un cul-de-lampe formant pendentif et jadis sculpté. Cette tourelle est percée de meurtrières et d'une ouverture ovale dont l'entourage présente un entrelacs sculpté.

Egalement en encorbellement, la tourelle du Nord Ouest porte trois fenêtres pareillement ornées et flanquées, chacune, de deux meurtrières allongées. Leur ornementation consiste en un petit fronton triangulaire à la partie supérieure avec deux supports formant les deux côtés de l'ouverture. Ces deux supports sont constitués par deux pilastres ioniques pour deux fenêtres et par des animaux fantastiques, (sorte de serpents) pour la troisième. Quant au fronton il est orné d'une cartouche indistincte sur deux fenêtres, et d'une coquille surmontée d'une croix pattée sur la troisième. Cette tour est revêtue d'un enduit portant différents dessins: quadrillages et entrelacs.

La plus intéressante des tours est celle du Sud Ouest, flanquée d'une tourelle de même hauteur et à toit en pierre. Celle-ci contient un escalier à vis qui aboutit, à l'étage supérieur, à une petite plate-forme presque de plain-pied avec le rebord inférieur de trois ouvertures semi-circulaires: c'était la tour de guet. Les débris de corbeaux que l'on voit encore indiquent que primitivement chaque ouverture correspondait à un mâchicoulis. Le lierre a recouvert parfois totalement cette tourelle.

La tour du Sud Est est telle que l'a vue et représentée de Caumont dans sa Statistique Monumentale. Toutefois son toit conique est actuellement moins élevé.

L'intérieur du Manoir a été entièrement remanié et n'offre plus rien de remarquable sauf une vieille plaque de cheminée portant un écusson: deux chevrons accompagnés de trois tiercefeuilles, 2 en chef et 1 en pointe. Cet écu est timbré d'un casque de profil avec ses lambrequins et une colombe comme cimier. A la partie inférieure une banderole portait une devise maintenant effacée.

Les bâtiments d'exploitation présentent sur la façade méridionale, en bordure de la route, les vestiges d'une fenêtre trilobée aujourd'hui bouchée. Le mur oriental est garni de contreforts et porte à son angle Nord une petite tourelle de deux étages à toit en poivrière. Dans le mur voisin il y avait autrefois une guérite en pierre (comme au manoir d'Amours à Maisy) détruite du temps des de Lepesse, ainsi qu'une autre tourelle semblable à la précédente et se trouvant à l'angle Sud Est., d'après le cadastre de Vierville.

M. de Caumont dit que des murs et des fossés entouraient le Vaumicel.

Les propriétaires successifs du Vaumicel

voir le tableau généalogique

La première mention qui est faite du manoir dans les archives municipales de Vierville est dans un acte de mariage de 1675.

Le premier possesseur connu (et probablement le constructeur du logis principal) est Guillaume Canivet, Sr. du Vaumisset en 1551, anobli en mars 1543 par lettres données à Evreux, vérifiées le 4 Sept. 1544 et enregistrées en Mai 1546. Ses armes étaient: de gueules à 3 canifs à tranche d'argent emmanchées d'or. Il épousa en 1553 Françoise de Bailleul, fille de Pierre, sr. de Vierville et d'Engranvillle.

Du mariage de Guillaume Canivet avec Françoise-Catherine de Bailleul naquirent 7 fils dont 3 seulement ont semble-t-il vécu et hérité des domaines de leurs parents:

1°  Michel Canivet qui a hérité de St-Sever.

 Marin Canivet qui a épousé Françoise de Méhérenc en 1580 et a été le père de Gilles Canivet marié à Marie Maillard (dame de Léaupartie) et le grand-père de Gilles II Canivet, écuyer sr. de la Rougefosse, sergent des Veys, époux de Suzanne du Mesnildot, et de René Canivet, écuyer, sr. de Leaupartie, sergent des Veys, dont nous reparlerons tout de suite.
La branche de la Rougefosse était représentée en 1789 par Pierre-Charles Canivet de la Rougefosse qui a pris part à l'assemblée de la noblesse de Bayeux, à St-Etienne de Caen. (La Rougefosse est un domaine situé à Englesqueville et dont subsiste aujourd'hui des bâtiments du 16ème siècle avec une tour d'escalier).

3° et enfin  Jean 1er Canivet (ou Canyvet) a été sr. du Vaumissel et du Moley (l'un des fiefs relevant de la seigneurie du Molay qui a appartenu aux Bacon, puis aux Le Coulteux du Molay.). Il a épousé en 1574 Madelaine de Hottot (dont la famille possédait le château de Beaumont) et a été reconnu noble par Roissy en 1599. Il vivait encore en 1616 d'après l'aveu d'une terre "sise à Asnières jouxte Jean Le Blois sr. de la Chapelle et Jean de Canivet sr. du Vaumisset" fait à Jean Thomas, écuyer, sr. de Benesville.

Il a écrit un mémorial "des choses qu'il voyait ou entendait dans la région".

Jehan Canivet, commence cette chronique manuscrite par ces mots :

" Journal des héritages, rentes et revenus de Louis et de Jehan Canyvet, seigneurs du Vaumisset... "

Il mentionne les événements et les décès qu'il apprend en ce manoir, de 1562 à 1606... Partisan de Henry IV, même avant son abjuration, il se montre victime des troubles des guerres de Religion en ces termes :

" Je fus volley et brusley des (par les) gens de Vicques le mercredi, pénultième jour d'août 1589, et meney prisonnier au mont Saint-Michel et y demeurey jusqu'à sa prise le 5 décembre 1589 par M. de Lorge, fils de M. de Montgommery. "

On sait que Vicques, s'intitulant " lieutenant-général de la Sainte-Union en Basse-Normandie " était Louis de Lamoricière, sieur de Vicques, de l'Isle-Manière. L'année suivante, celui-ci se vit attaqué près d'Avranches par les royaux ayant à leur tête Carbonel de Canisy et Jean de Hotot, sieur de Beaumont, appelé souvent le "capitaine de Beaumont" dans les écrits contemporains, et beau-frère de Jehan du Vaumisset. La bataille eut lieu le 8 août, près Saint-Jean-de-la-Laize. Mais, abandonnés par d'anciens ligueurs qu'ils avaient enrôlés malgré eux, Jean de Hotot et Carbonnel de Canisy durent battre en retraite en laissant deux cents morts et cent blessés. Le 30 août 1590, Jean de Hotot fut chargé de la garde des côtes de la mer depuis Isigny jusqu'à Bernières-sur-Mer, ce qui rétablit la sécurité au Vaumisset et dans les environs.

Dans son journal, Jehan Canivet note que sa fille, Catherine, née en 1575, fut baptisée par le curé de la 2ème section d'Englesqueville et eut pour marraine Marie du Bosq, assistée par Jean de Baudre. Il note aussi que la fille de celle-ci, Madeleine de Hotot, sa chère épouse, mourut et fut inhumée le 6 mars 1585 dans l'église de Vierville.

En ce "Journal de Jehan Canivet", visible aux archives du Calvados, on lit aussi par exemple que le 16 février 1503, François de Bricqueville-Colombières et le sieur de Pierrepont vinrent assiéger Bayeux avec quatre canons; on y parle de Jehan d'Escageul, seigneur de la Bretonnière (à la Folie), époux de Jacqueline d'Harcourt, député de la noblesse du Bessin aux Etats de Blois en 1588, gouverneur de Bayeux en 1589, etc.

Jean Canivet a pu réparer le Vaumissel "brûley par les ligueurs" et laisser un bel héritage à son fils Gilles 1er, né en 1578, trois ans après sa sœur, Catherine, et cinq ans avant la mort de leur mère, Catherine de Hotot.

 Gilles 1er dit l'aîné, sr. du Molley et du Vaumisset. Maintenu noble en 1599, Gilles a dérogé et a été relevé par lettres données à St-Germain le 14 Octobre 1625 et enregistrées le 9 Décembre. Il a épousé en 1621 Marie de Faoucq-Jucoville, fille de Jacques 1er du prénom et d'Olive de la Luzerne. Ils ont eu une fille et cinq fils dont Jean II Canivet (1625-1679)  et Jacques, sr. des Londes, l'un et l'autre maintenus (nobles) par Chamillart en 1666.

L'épouse de Jacques Canivet, Anne Léonard, de la famille des sieurs de Beaupré, des Isles, de Rampan et de Juvigny, a été inhumée à Louvières, le 27 juin 1680.

Jean II Canivet a été seigneur du Vaumisset après la mort de son père. En avril 1660, il a consenti à vendre son bois du Vaumisset à Gilles du Mesnil, seigneur de Saint-Paul " onze cent dix livres pour faire bastir une maison en la paroisse de Cricqueville, dans une pièce de terre appelée les Closets ". (Extrait d'un manuscrit rédigé par Jacques du Mesnil Saint-Hilaire et conservé à Couterne)
Jean Il, reconnu noble par Chamillard en 1666 en même temps que son frère Jacques, seigneur des Londes, est mort en 1679 et a été inhumé également à Louvières, le 12 novembre " en la chapelle Saint-Loup, sise au côté méridional de l'église de Louvières où il avait fondé la confrérie du Rosaire " dit son acte d'inhumation.

Il avait épousé Robine Philippe qui fit enregistrer en 1698 les armoiries des Canivet à l'Armorial général de France. Ils ont laissé comme fils, Guillaume ou Guyon Canivet, (né en 1655), écuyer, sr. du Molley et du Vaumissel qui a épousé en 1685 sa cousine éloignée Marie-Thérèse Canivet-Maillard, dame et patronne de Vierville, suzeraine du fief noble de Louvières-Fontenay et du patronage de la première et grande portion du bénéfice-cure de Louvières, veuve en premières noces de Gilles de Marguerye.
Elle était fille de René, seigneur de Vierville et de Leaupartie, et de Charlotte Simon, arrière-petite-fille de Marin Canivet et arrière-arrière-petite-fille de Guillaume Canivet, leur aïeul commun.

[Ce René Canivet, fils de Gilles 1er et de Marie Maillard prit le nom de sa mère sans doute pour se distinguer des autres Canivet alors très nombreux dans la région. Il s'appelle alternativement Canivet et Maillard dans les actes: ce qui crée une certaine confusion. Il ne parait pas avoir laissé de postérité mâle car ses terres de Vierville passèrent aux de Marguerye par l'alliance que nous avons indiquée plus haut.]

Marie-Thérèse Canivet-Maillard, veuve de Gilles de Marguerie, a laissé à son fils, Gilles-Armand de Marguerye, le château de Vierville et a partagé les biens des Canivet entre les deux fils du second mariage, mais le Vaumisset est resté apparemment indivis entre les 2 frères:

             1°. Isaac-François, écuyer seigneur de Mauminot et du Mollay qui a fait l'hommage au roi le 11 Mai 1724 et a vendu Mauminot pour 2000 Iivres à Gilles-Armand de Marguerye;
             2°. Jean-Louis, écuyer, sr. de Vacqueville. Il était capitaine garde-côte et chevalier de Saint-Louis; il a donné 140 livres de rentes aux malades pauvres de l'Hôtel-Dieu de Bayeux en 1728 sur ses biens personnels.
.
En 1705 les deux frères ont assisté au mariage de leur frère utérin Gilles-Armand de Marguerye, chevalier, sgr. de Vierville, Houteville et Mauminot avec Jeanne Hélyes de Clinchamps, fille d'Edouard, sgr de Clinchamps et de Marie Lourdel . (Les Hélyes blasonnaient d'azur à un chevron d'argent accompagné en chef d'un croissant et en pointe d'une rose également d'argent).

Par contrat du jeudi 7 Août 1755 devant Michel Duhamel, notaire royal et héréditaire à Bayeux, les deux frères Canivet ont vendu le Vaumisset et Vacqueville à messire Jean-Nicolas de Pleurre, conseiller honoraire en la Grande Chambre du Parlement de Paris, paroissien de St-Sauveur à Paris.

Le Vaumicel était alors affermé à Pierre Chipel et à sa mère; il comprenait entretenant, cour, jardin, maison de maître et de fermier, les jardins Fouquet et Costil, la Maladrerie, le grand Torterois. "En outre, les dits sieurs vendeurs cèdent en toute propriété la chapelle qui leur appartient dans l'église de Vierville pour en jouir après leur décès, pourvu toutefois que la fondation faite par leurs prédécesseurs à cet égard soit exécutée en surplus suivant l'intention des fondateurs ".

Les de Pleurre portaient "d'azur ou chevron d'argent accompagné de trois griffons d'or 2 et 1, ceux du chef affrontés".  Jean-Nicolas de Pleurre seigneur de Romilly, de la Ferté, etc., avait épousé Marie-Thérèse Gaillard qui l'a rendu père de Marie-Thérèse de Pleurre, mariée en 1741 à Gilles-Edouard de Marguerye, sgr. et patron de Vierville, né en 1709 à Bayeux, de Gilles-Armand sus-nommé et de Jeanne Hélyes de Clinchamps. Gilles-Edouard appartenait à une vieille famille normande qui porte d'azur à 3 marguerites de pré d'argent tigées et feuillées de même et dont La Chesnaie des Bois a donné la généalogie. Il mourut le 9 thermidor an XI (1802) à Bayeux et fut enterré près de son fils Jean-Edouard à Vierville par Mgr Charles Brault, évêque de Bayeux.

Gilles-Edouard de Marguerye (1709-1802) a donc été à la fois seigneur de Vierville et du Vaumisset. Entre autres enfants il a eu

         1° Jean-Edouard de Marguerye marié à Louise Françoise de Viel de Limas et mort le 3 Août 1783 ainsi que nous l'apprend son épitaphe, au cimetière de Vierville.
"Cy devant au pied de la Croix Repose le corps de Jean Edouard de Marguerie Chevalier, fils de Gilles Edouard de Marguerie, chevalier, seigneur et patron de cette paroisse, décédé Le III Août MDCCLXXXIII Agé de XXXXII ans Priez pour lui
La tendresse de noble dame Louise-Françoise-Thérèse de Viel de Lunas son épouse a posé ce monument"

         2° Françoise de Marguerye, héritière de l'Ormel, mariée à Joseph-Jacques-Henri Morin de Litteau, sgr. de VaulaviIle et de Litteau, mort au château de Vaulaville le 27 juin 1835 à 86 ans et enterré à Tour où l'on voit son tombeau portant son blason: d'or à 3 fasces de sinople.

         3° Edouard-Marie de Marguerye, lieutenant au régiment du Roi-Infanterie, épousa Anna Bella Henriette Drummond de Melfort, portant d'or à 3 fasces ondées de gueules, et aussi quelquefois écartelées au 1er et 4ème de Drummond, aux 2ème et 3ème d'Ecosse. Cette famille était originaire d'Ecosse.

Edouard Marie de Marguerye fut l'une des victimes du Tribunal révolutionnaire établi à Paris par de décret de la Convention nationale le 10 Mars 1793, sans aucun recours possible au tribunal de Cassation en vertu d'un autre décret de la dite Convention portant " que l'accusateur public du dit Tribunal est autorisé à faire arrêter, poursuivre et juger sur la dénonciation des autorités constituées ou des citoyens ".

Les minutes de ce Tribunal portent qu'il appert par jugement du 12 prairial an Il

"Edouard-Marie Marguerie, âgé de 38 ans, ex-noble, major en second dans le 42ème régiment d'infanterie, ex-colonel de la garde constitutionnelle du tyran, né à Bayeux, département du Calvados, résidant à Agy, près Bayeux... (suivent cinq autres noms), avoir été condamnés à la peine de mort; et ordonné que l'exécution dudit jugement aurait lieu sur la place publique de la Révolution de cette ville... Par procès-verbal dressé par Auvray, huissier du tribunal révolutionnaire, appert avoir été constaté que le jugement ci-dessus a été exécuté sur la place publique de la Révolution de cette ville où les ci-dessus nommés ont été mis à mort. Pour extrait conforme, signé " Lécrivain, greffier en chef ".

L'infortuné Edouard Marie de Marguerye laissait deux enfants :

Edouard-Marie-Alfred de Marguerye, devenu sr. du Vaumisset en 1805 après le partage des biens de Gilles-Edouard de Marguerie (devant Me Vautier, notaire à Bayeux, 18 septembre 1805 et 21 juillet 1810) décédé en 1802. Alfred-Marie est mort sans postérité en 1809;

Anne-Marie-Caroline de Marguerye, mariée à Bayeux, le 31 mai 1802, à Eugène-Gabriel-Léon Texier, comte de Hautefeuille, fils de Charles, marquis de Hautefeuille, colonel de la garde royale et chevalier de Saint Louis.
Pendant que la comtesse d'Hautefeuille suivait son goût pour la poésie, s'inspirant parfois de Vierville et de son cimetière (écrivant en prose et en vers, la Comtesse d'Hautefeuille a laissé : "Le Divorce", "Malheur et sensibilité", "Souffrances", "Léa Cornelia", "L'âme exilée", "Le Lys d'Israël", "Fleurs de tristesse"... La 5ème édition de ses œuvres parut à Caen en 1851, volume in-8°), son mari défendait la France. (voir les documents concernant la Comtesse de Hautefeuille, orpheline d'un père officier au service du Roi et guillotiné, poête, écrivain, militante contre la peine de mort et pour le divorce, etc..)

Officier dans les armées de Napoléon, le comte de Hautefeuille était à la tête du 25ème dragons pendant la campagne de France en 1813. Colonel du 7ème dragons en Espagne (1823) il commanda la 1ère subdivision de la 14ème division militaire à Caen. Il fut promu maréchal de camp et officier de la Légion d'honneur, redorant dignement son antique blason " de gueules à un lévrier passant d'argent colleté du champ, cloué et bouclé d'or accompagné en chef d'un croissant aussi d'or ".

Au décès de Edouard-Marie-Alfred de Marguerye, le Vaumicel a été vendu le 4 juillet 1809, à M. Bertauld, moyennant une rente viagère à servir à sa mère et à sa soeur Mlle de Marguerye, ancienne religieuse. Mais la rente n'ayant pas été payée, le Vaumicel est revenu à Anne-Marie-Caroline, comtesse de Hautefeuille par jugements du tribunal civil de Bayeux (1er avril et 24 juin 1818) et de la cour d'appel de Caen (1819) (Papiers de Mme de Bughas.).

Elle ne l'a pas gardé et l'a revendu le 8 Avril 1820, à Antoine-Pierre Dragon de Gomiecourt qui est mort le 1er Août 1856 au château d'Agy pareillement acquis de Mme de Hautefeuille. Antoine de Gomiecourt avait, de Valentine de Querecque épousée le 24 vendémiaire an XIII (1804) à Oisemont (Oise), cinq enfants :

1° Marie-Charlotte-Armandine, morte avant son père et laissant de son mariage avec Charles Dosseur deux enfants : Marie-Henriette-Léonie qui a épousé Charles-Raymond Le Bègue de Germiny, et Marie-Fernand Dosseur;
2° Edmond Théophile, inspecteur des Douanes;
3° Marie-Pauline-Euphémie qui a épousé Louis-Alban Dosseur;
Palémon-Louis qui a hérité du Vaumicel;
5° Léontine-Sinodie.

Palémon-Louis Dragon de Gomiecourt a épousé Mélanie-Jeanne Véron qui est morte à Bayeux le 18 Novembre 1875.
Devenu propriétaire du Vaumicel, il l'a vendu en novembre 1859, chez Me Nicolay, notaire à Bayeux à Henri-Charles Sorin de Lépesse, déja héritier de Vierville et se rattachant par sa femme aux anciens Seigneurs du Vaumicel.

Il avait, en effet, épousé en juin 1849 Aglaë-Siméonide-Justine Wastelier d'Hailliecourt, fille de Jean-Baptiste-Justin et de Louise-Nathalie (ou Léonie??) Couliboeuf de Blocqueville (Les Couliboeuf blasonnaient d'azur à la tête de bœuf d'or.). Celle-ci était fille de Aglaë-Marie-Thérèse Morin de Litteau, elle-même fille de Françoise de Marguerye mentionnée plus haut.

Henri-Charles Sorin de Lépesse était fils d'Adrien-Bon-Charles-Casimir Sorin de Lépesse, capitaine d'infanterie, chevalier de la Légion d'honneur, et de Jenny de Marguerye, héritière de Vierville.

            Adrien-Bon de Lépesse naissait le 2 Avril 1788 et s'engageait si jeune dans les armées de Napoléon 1er qu'il fut sous-lieutenant à 18 ans, lieutenant le1er novembre 1808, capitaine le 1er février suivant, 2 mois avant d'avoir 21 ans. Il fit les campagnes de Prusse, de Suède, d'Allemagne, des bords de l'Océan (1807 à 1811), de Russie (18I2-1813). Blessé à l'épaule gauche il continua d'encourager ses voltigeurs par son exemple. Il se distingua surtout à la Bérézina et reçut la croix de la Légion d'honneur le 24 juillet 1813. Démissionnaire en 1815 il fut réintégré dans son grade à la 1ère légion de la Manche en décembre 1815, puis au 25ème de ligne en 1821.

            Rentré dans la vie privée il habita Vierville. " Fidèle au serment qu'il avait prêté en 1814, à la monarchie et à la dynastie pour laquelle son père avait versé son sang, il refusa en 1830 de prêter un nouveau serment comme membre du conseil municipal de Vierville; en 1848 après l'abolition du serment, il fut de nouveau porté au conseil municipal dont il se retira encore par refus de serment en 1853, après la proclamation de l'Empire. " Nous empruntons ces lignes à la notice publiée par l'Association normande en 1858, notice disant qu'Adrien de Lépesse " fut enlevé le 28 Avril 1857 presque subitement à l'affection d'une famille dont il faisait le charme et le bonheur, aux nombreux amis qu'il s'était attirés par la loyauté, la douceur et l'aménité de son caractère..., dans les sentiments de la profonde et sincère piété qu'il pratiquait sans dissimulation comme sans ostentation. "

             Adrien-Bon de Lépesse était le fils de Pierre-François-Casimir Sorin, sieur de Lépesse (autrefois l'Espaisse, nom d'un fief de Ste Opportune près de Lessay).

             Marié et père de famille, Pierre-François avait 45 ans lorsqu'il fut la victime d'une des plus cruelles injustices de la Terreur. En effet il avait simplement contre lui d'être "fier et ex-noble", car à maintes reprises il avait donné des preuves du civisme le plus rationnel.

             La malchance voulut que son frère, l'abbé Sorin de Lépesse, prêtre réfractaire, émigré à Jersey, revint dans la nuit du 9 au 10 juin 1794 pour présider la procession nocturne de Gonfreville. Cette manifestation exalta la fureur du commissaire Le Carpentier qui fit aussitôt arrêter dix membres du comité de surveillance de Coutances. Emprisonnés à Périers, et heureusement oubliés dans leurs prison, ils furent libérés plus tard, grâce au bienveillant jugement de Le Menuet de la Jugannière, alors accusateur public près le Tribunal criminel de la Manche.
             Mais trois jours après leur arrestation, Le Carpentier expédia au tribunal révolutionnaire de Paris les 24 personnes qui composèrent " la fournée de Coutances ", (juste avant la fin de la Terreur).

            Parmi elles se trouvèrent Sorin de l'Espaisse, Marie-Léonor de Cussy (Marie-Léonor de Cussy-Mandeville, grand vicaire et maire de Coutances) et son neveu Louis-Léonor, Hue de Caligny et François-Léonor de Mons, grand vicaire de l'évêque exilé de Coutances, parfaitement innocent de toute compromission dans cette affaire et que ne purent sauver les protestations qu'élevèrent en sa faveur les autorités républicaines elles-mêmes. Ils furent jugés en masse. Fouquier-Tinville aggrava à plaisir les charges plus ou moins vagues, relevées contre ces malheureux, accusant personnellement d'émigration ceux dont les parents seuls avaient émigré, d'intelligence avec l'ennemi ceux qui n'avaient pas la moindre relation avec l'étranger, de provocation à la guerre civile... et leur faisant un crime de s'être apitoyés sur le sort du tyran Capet. Des 24 accusés, 5 seulement furent acquittés. Tous les autres furent condamnés à mort le 3 thermidor (21 juillet 1794), exécutés le jour même à la barrière de Vincennes et inhumés au cimetière de Picpus.}

Le petit-fils de l'infortuné Pierre Sorin de Lépesse, Henri-Charles, acheteur du Vaumicel, a été maire de Vierville; il est mort au Vaumicel le 14 juillet 1876, ayant eu 3 fils :

          1° Guy-Charles-Léon-Marie, décédé à Bayeux âgé de 14 ans, le 23 avril 1864,
          2° Gaétan
          3° Christian-Marie, tous sans postérité. Ce dernier mourut peu de temps après son mariage avec Edmée de Franclieu qui épousa en secondes noces M. Renaudeau d'Arc, descendant par sa bisaïeule de Jacques d'Arc anobli lui et toute sa postérité en décembre 1429 avec confirmation en 1550, 1612, 1825 (par Charles X) et 1861 (par décret impérial de Napoléon III)

La veuve d'Henri-Charles Sorin de Lépesse a vendu d'une part Vierville aux Marguerit de Rochefort-Goussancourt (du manoir de Than) et d'autre parta vendu le Vaumicel, devant M° Salles, notaire à Trévières le 21 avril 1879, à Eugène Solange qui mourut en 1893.

Son fils, Eugène-Georges Solange, devenu propriétaire du Vaumicel l'a vendu le 16 octobre 1903 au vicomte Marie-Victor-Eugène-François de Bellaigue de Bughas, né à Paris le 25 juillet 1882,

Celui-ci était fils de Symphorien, comte de Bellaigue de Bughas, chevalier de la Légion d'honneur et de Louise du Bois de Beauchesne, petit-fils de Pierre-Gabriel-Augustin et de Mélanie Bérard de Chazelles. Les de Bellaigue portent : d'or ait chef d'azur chargé de 3 étoiles d'argent à la rivière aussi d'azur posée en pointe. Devise : Deoque Regique fides.

Le vicomte François de Bellaigue de Bughas a eu de son mariage avec Léontine Magdelaine Neustadt quatre enfants tous nés au Vaumicel:
               Jacqueline, le 2 Avril 1908;
               Guillaume, le 16 juin 1909;
               Raymonde, le 1er avril 1911
           et François de Bellaigue de Bughas, le 27 avril 1915. Celui-ci a été maire de Vierville après la guerre 39-45.

Lors de la déclaration de guerre en 1914, Marie-Victor-François de Bellaigue avait 42 ans. Conseiller municipal en 1912, et adjoint au maire de Vierville, il a quitté à la mobilisation le domaine agricole qu'il exploitait depuis 1904 et il en a laissé la charge à sa femme.
Aux armées il s'est comporté avec une distinction qui lui a valu bientôt le grade de lieutenant; et, le 13 octobre 1915, à Tahure, il a trouvé cette mort glorieuse que rapportent les documents militaires :

" Le 11 octobre, à la tête de sa compagnie, il avait brillamment enlevé une position ennemie, faisant un grand nombre de prisonniers. Dans la nuit du 12 au 13, au cours d'une relève, il fut atteint par un éclat d'obus et tomba sans avoir souffert. " Le nom de M. de Bughas restera attaché à jamais à ce beau fait d'armes qui sera une des plus belles pages de l'histoire du 228ème régiment d'infanterie. " Le lieutenant de Bughas laisse les regrets les plus sincères et les plus vifs parmi ses chefs, ses camarades et ses hommes, car tous ont admiré chez lui les qualités élevées et bien françaises de son beau caractère., "

          La Croix de la Légion d'honneur et la Croix de guerre lui furent décernées avec cette citation :

" Officier d'une rare distinction d'esprit et de cœur, allant droit à l'ennemi d'une manière exquise; "a par sa bravoure, entraîné sa compagnie décimée par des feux de revers et de flanc de mitrailleuses placées à très courte distance, à. l'assaut d'un blockhaus; l'a pris, blessant un capitaine allemand, tuant un sous-lieutenant et provoquant la reddition d'une compagnie ennemie qui occupait l'ouvrage. "

La translation du corps du lieutenant François de Bellaigue de Bughas et son inhumation dans le cimetière de Vierville-sur-Mer a eu lieu le 6 janvier 1921. Ce fut pour la population l'occasion de reconnaître sa valeur et son sacrifice à la Patrie et de rendre à sa mémoire le plus juste hommage dont on trouva l'expression élevée dans les discours que prononcèrent M. l'abbé Robert, curé de Vierville et M. Théophile Anger, maire. Qu'il nous soit permis de reproduire ces lignes des Pages amies de Trévières publiant le discours de M. le curé... Le lieutenant de Bughas, du fond de sa tombe " vous convie à élever vos esprits et vos cœurs au-dessus des biens et des jouissances éphémères de la vie présente, à vous souvenir que le bonheur des individus comme la prospérité des nations, réside moins dans la poursuite de l'or et de l'argent que dans Ia transcendante beauté du devoir appuyé sur un idéal élevé, éclairé par le flambeau de la foi chrétienne et soutenu, s'il est nécessaire, jusqu'au suprême sacrifice... "

C'est le dernier fils, François de Bellaigue, né en 1915, qui a assuré la succession sur l'exploitation agricole en 1943. Il était marié depuis 1940 avec Denise Perrée et il a été maire de Vierville.

A la mort de François de Bellaigue en 1979, la propriété familiale est restée dans l'indivision entre Madame de Bellaigue et ses 6 enfants. En 1992, une solution familiale a permis de conserver la propriété dans la famille.
C'est Antoine de Bellaigue qui est propriétaire du château proprement dit.
Les bâtiments et terres adjacents sont propriété de Jack de Bellaigue.