Le
réseau de résistance "Alliance"
Le
Réseau "Alliance" a été fondé dès 1940 par
le Commandant Loustanau-Lacau. Il couvrait en principe
toute la France. A partir de fin 1942 et l'occupation totale
de la France, il a été séparé en plusieurs zones, l'Ouest (secteur
"Ferme") étant confié à Jean Roger dit "Sainteny".
Sainteny avait des attaches à Vierville (où il était propriétaire
d'une villa à la mer) et aussi à Aignerville,
il avait nommé un responsable pour le Calvados: Robert Douin
(dit "Civette") qui résidait à Caen mais se déplaçait
fréquemment dans tout le Bessin.
Le secteur du Bessin était sous la responsabilité de
M. Couliboeuf (dit "Bison noir"), instituteur
à Formigny, et disposait d'un opérateur radio Rodriguez (dit
"Pie") et d'une boite aux lettres à Bayeux formée
avec 2 institutrices : Melles Julia Picot et Germaine
Limeul.
3 groupes de recherches de renseignements ont alors été recrutés:
1/ A Bayeux,
2/ A Port-en-Bessin, un groupe dirigé par Paul Bernier (dit
"Tigris") et Georges Thomine (dit "Cachalot")
et qui comprenait les 6 agents: Pierre Cardron, Edouard
Cardron, Léon Cardron, Léon Payen, Gaston
Chauvin et Auguste Thomine.
3/ A Vierville, St-Laurent et Trévières, un groupe dirigé par
Désiré Lemière (dit "Chordeille"), avec Robert
Boulard, Charles Olard et Albert Anne (forgeron à
Asnières), groupe dans lequel les 3 premiers étaient
postiers et résidaient dans notre village. Cette équipe
observait et transmettait des renseignements précis,
profitant des facilités de circulation des postiers qui
pouvaient discurter avec les habitants sans attirer l'attention.
Le secteur voisin Villers-Bocage était dirigé par le
radio Jean Caby (dit "Emouchet"), avec
8 agents de renseignements.
D'autres agents étaient dans les secteurs de Caen et Ouistreham.
Le réseau Alliance n'était pas le seul à exercer des activités
de résistance dans le Bessin et le Calvados. Tous ces réseaux
étaient complètement séparés et ils s'ignoraient pour des raisons
de sécurité: réseau OCM, qui faisait surtout du renseignement
(Guillaume Mercader), réseau du Front national qui ne
faisait pas de renseignement mais de la propagande, réseau Mithridate
dépendant des services britanniques (Marcel Aulombard à Bayeux
notamment); mouvement Libération Nord qui faisait aussi
du renseignement ( Joseph et Arthur Poitevin à Port-en-Bessin).
Au total on compte dans le Bessin 135 personnes recensées
comme résistants (179 d'après un autre décompte), dont 15 à
20 pour "Alliance".
Ces agents étaient issus de toutes les classes de la société,
en proportion voisine de leur répartition réelle. Leurs motivations
étaient diverses: rejet de l'ennemi naturel, cadres de l'Armée
refusant l'armistice et le régime de Vichy, à partir de 1943
refus du STO en Allemagne, parfois idéologie communiste ou anti
fasciste. Nombreux sont ceux qui se sont engagés sans même connaître
l'organisation qui les utilisait, le secret restant essentiel
à la sécurité. Tous ces hommes disposaient d'un courant de sympathie
parmi la population du Bessin, ce qui a facilité leur travail
dans la discrétion nécessaire.
Les
renseignements recherchés concernaient l'ensemble de
l'organisation allemande, et notamment les grandes batteries
côtières: Longues, le Hoc, Maisy, les défenses tout le long
du rivage, les dépôts de carburants, etc.
La transmission des renseignements se faisait généralement
par radio (cas du réseau Alliance), mais aussi par pigeons voyageurs
(cas de l'OCM).
Chaque réseau transmettait en Angleterre ce qu'il avait pu rassembler.
Les résultats étaient exploités à Londres et soigneusement recoupé
avec les reconnaissances aériennes. La lourdeur de ce traitement
entraînait parfois des retards et des erreurs. Mais globalement,
l'efficacité des réseaux français a été reconnue.
Le réseau Alliance, comme la plupart des réseaux de résistance
a été durement touché par la répression. Malgré toutes
les précautions, il était difficile d'éviter des infiltrations
par des agents français travaillant pour le compte des Allemands.
Quant aux radios, ils étaient facilement repérés par radiogoniométrie,
ce qui les obligeait à se déplacer constamment et à des cadences
très rapides.
Dans le réseau Alliance du Calvados, la période sombre a
commencé le 14 mars 1944 avec l'arrestation à Paris d'un
agent de liaison de Robert Douin (Jean Truffaut dit Tadorne,
qui possédait sur lui des documents importants sur le
réseau et qui avait rencontré Robert Douin le
9 mars).
A la suite, le 17 mars, Robert Douin a été arrêté à Caen, Georges
Thomine a été arrêté à Port-en-Bessin, Jean Caby a été arrêté
à Villers-Bocage.
Le 4 mai, la quasi totalité du groupe de Villers-Bocage a été
arrêtée.
Le 5 mai, c'est le tour du groupe de Vierville-Saint-Laurent-Trévières
qui, lui aussi, est arrêté en totalité: Désiré Lemière, Albert
Anne, Robert Boulard et Charles Olard.
Ces arrestations étaient en général faites par des Français
travaillant pour la Gestapo.
Tous ont été interrogés sous la torture à Caen, 4 ont été
libérés, 1 déporté et 16 fusillés
le 6 juin 1944 à la prison de Caen, dans la panique qui
semble avoir saisi les Allemands le matin du débarquement. Leur
dépouilles n'ont jamais été retrouvées.
A cette époque, en l'absence de Débarquement, leur sort aurait
été la déportation dans les camps de la mort (Dachau, Buchenwald,
Mauthausen, Struthof...) où les chances de survie étaient faibles.
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