Un
peu d'histoire de Vierville: le 6 juin, des chars amphibies américains
étaient en grand nombre sur la plage de Vierville
Les
Américains avaient projeté de faire débarquer à
marée basse, dès 6h30, 44 chars Sherman du 743ème
Bataillon de chars sur la plage de Vierville (secteurs Gog Green et
Dog White). Il s'agissait de 32 chars amphibies (à larguer en
mer depuis 8 péniches de débarquement type LCT), et de
8 chars Sherman normaux et 4 chars-bulldozer (à débarquer
directement sur la plage avec 4 LCT).
Ces
chars devaient apporter l'appui de leurs canons aux 1000 soldats du
1er bataillon du 116ème Régiment débarqués
en même temps d'une trentaine de petites péniches de débarquement
type LCA et LCVP, et aux 250 sapeurs du Génie et de la Marine
(débarqués de 6 péniches type LCM) chargés
de déblayer 4 couloir dans les obstacles de plage.
Lorsque les 8 LCT commandés par le Lieutenant Rockwell
se sont présentés à 5500 mètres du
rivage vers 5h00 du matin (citation du rapport du Lt Rocwell):
" il apparaissait que la mer ne serait pas idéale
pour la mise à l'eau des chars. Avant de quitter Portland,
la question s'était posée pour nous de l'éventualité
d'avoir à poursuivre jusqu'à la plage si la mer
était trop forte pour le lancement. ……. la question du
lancement fut finalement laissée au…….. Capitaine Elder
du 743ème.
A 05h05, nous avons contacté le Capitaine Elder via la
radio des chars et nous étions parfaitement d'accord pour
que les chars du 743ème ne soient pas lancés à
la mer, mais conduits directement à terre sur les plages
désignées. En conséquence, tous les navires
virèrent de 90° simultanément à 05h40,
et s'avancèrent vers la plage, le navire-guide, le nôtre,
le LCT 535, touchant la plage à 06h29. Les autres touchèrent
dans les 2 minutes suivantes. Malgré des tirs assez forts
de mitrailleuses et de calibres plus élevés, tous
les chars sauf un, furent largués avec succès sur
leurs plages objectifs. Tous les navires se retirèrent
avec succès, bien que 2 d'entre eux aient subis des coups
directs et des pertes parmi les équipages. Par la suite
des rampes furent perdues suites à des avaries causées
par des obus aux machineries de relevage ... "
Il faut savoir
que, à l'autre extrémité d 'Omaha Beach,
à Colleville, 32 autres chars amphibies furent lancés
à la mer malgré le mauvais temps et que la plupart
coulèrent sur le trajet, laissant les unités d'infanterie
sans soutien d'artillerie.
Quant aux LCT transportant les chars normaux et les tankdozers,
l'un est arrivé avec 1 heure de retard sur la plage de
Vierville, 2 autres ont été perdus en mer, et le
4ème déporté par le courant beaucoup plus
à l'est.
Finalement sur les 44 chars prévus sur notre plage, environ
35 sont parvenus à terre, dispersés sur les 2km
entre Vierville et Saint-Laurent.
|
Un char amphibies avec sa jupe de flottaison repliée et
déployée
La plage de Vierville le 6 juin vers 7h00 du matin, on aperçoit
4 chars à la lisière de l'eau, dans le ressac et
devant le banc de cailloux qui se trouve à 250 mètre
de la descente de Vierville. On distingue aussi les obstacles
(hérissons) sur le banc de sable
|
Sur ces 2 photos, prises de la passerelle du LCI 91, on aperçoit
plusieurs chars amphibies sur la plage au milieu des obstacles.
Il est environ 7h30 du matin le 6 juin, la fumée masque
les vues des Allemands, il n'y a pas encore de troupes d'infanterie
US sur ce secteur voisin des villas Richard et Philippe Marchal.
Le LCI 91 va être peu après détruit sur place
et restera plusieurs années comme épave au milieu
de la plage.
|
Pendant
que les chars sortaient des péniches, les canons Allemands
de Vierville ont pris de leurs feux la plage en enfilade. Alors
que le Lieutenant
Rockwell retirait son chaland, il a remarqué 2 chars touchés.
L'un d'eux brûlait. Les 2 suivants, et d'autres du 743ème
Bataillon restaient dans l'eau tout en tirant avec leurs mitrailleuses
et leurs canons de 75mm. L'enseigne de vaisseau. White, commandant
le LCT 713, a raconté plus tard à Rockwell: "La
rampe a été abaissée, et le premier char lancé.
L'eau était très profonde et comme le char quittait
la rampe, il est allé directement au fond et n'a plus bougé.
Le chef de char a ordonné l'abandon et tout l'équipage
a été ramené à bord du LCT à
l'aide d'une longue aussière jetée du navire."
L'enseigne White a fait machine arrière, s'est déplacé
latéralement de 100m, et a abordé une seconde fois.
Les 3 derniers chars ont pu sortir de l'eau, et le LCT a prit un
coup direct. Le LCT 713 est reparti avec 3 marins tués à
bord. Il a dû être remorqué jusqu'en Angleterre.
Le LCT 590 a été touché lui aussi avec des
hommes tués. Les 6 autres LCT se sont retirés normalement
et ont pu retourner dans la zone de mouillage pour se faire recharger
en vue d'assurer leur seconde mission prévue à H+215
(10h05) sur les plages Dog.
Souvent la tactique des chars a été de rester dans
l'eau, et d'avancer avec la marée montante. Ils se sont fait
moins remarquer, tirant avec la tourelle hors de l'eau, mais risquant
de se faire submerger par une grosse vague.
Le colonel John Upham, commandant le 743ème Bataillon de
chars, est arrivé sur les talons de la première vague.
Il est d'abord resté à quelques centaines de mètres
du rivage, dirigeant ses chars par radio. Quand son LCT s'est rapproché
vers 8 heures, il a sauté par dessus bord et nagé
jusqu'à la plage pour rejoindre ses chars. Toujours à
pied, il a dirigé leurs tirs. Une balle de fusil a traversé
son épaule droite, mais il a refusé les soins médicaux.
Il a rencontré le soldat Charles Leveque et le caporal William
Beckett qui avaient abandonné leur char avec une chenille
cassée. Upham, toujours avec son bras droit inerte, les a
envoyé sur le talus de galets. Beckett a commenté:
"Il était impossible de faire sortir
le colonel de son impassibilité".
|
Après les pertes initiales, vers midi, au moins une vingtaine
de chars Sherman amphibies étaient effectivement en action sur
Dog Green et Dog White. Ils ont tiré de nombreux obus sur les
bunkers de la descente de Vierville (il suffit de voir l'état
des bunkers sur les photos de l'époque, et même actuellement,
pour s'en rendre compte) et sur les nids de mitrailleuses dans les falaises.
Certains ont tiré alors même qu'ils étaient immobilisés,
chenilles détruites, tirant parfois jusqu' à ce qu'ils
soient submergés par la marée montante.
A droite
la villa Hardelay, on distingue sur le boulevard de Cauvigny et
sur la plage une dizaine de chars, vers 12h30 le 6 juin, la mer
est haute et a commencé à redescendre. Il y a sur
la plage de nombreux corps de soldats américains tués
devant la descente de Vierville et que la marée à
ramené sous la digue.
|
Vers 12h30, sous le villa Richard, l'épave du LCI 92 avec
une demi douzaine de chars US sur la route côtière
qui n'est pas bordée par une digue en 1944
|
Ils
ont subi encore des pertes au cours de la journée, surtout avec
les tirs permanents de l'artillerie de campagne allemande camouflée
dans les haies aux environ de Formigny et Deux-Jumeaux. Ces tirs se
sont ralentis progressivement au fur et à mesure que leurs munitions
s'épuisaient
Certains chars se sont d'abord dirigés vers Saint-Laurent , les
autres se regroupant sur le front de mer juste à l'est de Vierville.
Après la destruction dans l'après midi du mur antichar
et le déblaiement de la route, ils ont pu quitter la plage et
monter dans la soirée à Vierville. La sortie routière
par Saint-laurent n'a été ouverte que le 7 juin.
Au total ce sont en tout 23 chars, qui ont bivouaqués à
Vierville dans la nuit du 6 au 7 juin. Ils ont participé ensuite
à l'avance vers Grandcamp le lendemain matin, certains d'entre
eux aidant au nettoyage des derniers Allemands dispersés dans
les divers quartiers de Vierville.
|