Le 175ème
Régiment d'Infanterie débarque à Saint-Laurent
le 7 juin
et traverse Vierville et
Gruchy, en route vers La Cambe
Les mouvements du 7 juin
Le château de Gruchy, PC la compagnie 9/726, qui défendait
la Percée et Englesqueville
Pendant la guerre
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Le
Général Gerhardt (cdt
la 29ème division, PC à Vierville le 7 juin) a fait
commencer le débarquement de son 3ème régiment,
le 175ème, dans l'après midi du 7 juin, à
Saint-Laurent.
Le 175ème a été immédiatement dirigé
sur la vallée de Vierville. "Le
175ème a marché en formation desserrée sur
la plage et a été visé par des tirs de snipers"
se souvient J. Milnor Roberts, aide de camp de
Gerow. "Mais bien pire, les
soldats marchaient au milieu des corps des gars qui avaient été
tués la veille, et ces gars portaient l'écusson
de la 29ème. Les jeunes marchaient ainsi parmi les cadavres
de leurs camarades. Le temps qu'ils arrivent à Vierville,
ils en ont été bouleversés".
Le Capitaine Miller a conduit la Compagnie F/175
(moins une section mystérieusement
égarée) vers l'Ouest, au pied des falaises. Le
capitaine Jimmy Hays, du QG régimentaire, a aperçu
Miller et l'a averti: "Tout est changé. Le colonel
Goode avait raison. Vous pouvez oublier les plans initiaux.
Nous devons aller à Gruchy, là sur la carte" a
montré Hays.
Le 175ème
a finalement rejoint à pied la route de Vierville, où
il s'est mélangé l'après-midi avec un gros
flux de troupes et de véhicules se pressant dans la montée.
En haut de la vallée, les hommes du 175ème
ont changé de cap vers l'Ouest pour sortir de Vierville.
C'était au coucher du soleil (22h00); comme le ciel s'assombrissait,
le régiment a marché encore 2 km et a tourné
au Sud au petit hameau de Gruchy. Ils ont eu un court moment
de repos avant de repartir vers Isigny, via La Cambe, en marche
de nuit.
Récit du Sous-Lieutenant William C Frodsham Jr, 175th
Infantry Regiment, Company G.
"Allongés tranquillement dans
le secteur de rassemblement à Gruchy, beaucoup d'hommes
dormaient. Cela avait pris 12 heures pour débarquer,
sortir de la plage et atteindre Gruchy. Nous étions maintenant
à 450 mètres à l'intérieur des terres
normandes. Peu après 20h00 le Captain Slingluff, mon
commandant de compagnie a rassemblé les Chefs de Sections.
Un ordre était arrivé du Division Headquarters
: le 175th Infantry devait quitter le secteur de rassemblement,
faire mouvement afin de prendre et de défendre Isigny
sans retard. Nous avons fait mouvement à 21h30, le 2nd
Battalion menant, la Company G à l'avant, avec la 3ème
Section, la mienne)."
Pendant leur arrêt à Gruchy, les
Américains du 175ème ont rencontré la famille
de Loÿs au château de Gruchy. Madame de Loÿs
a indiqué aux Américains la présence dans
les souterrains du château de nombreux Allemands blessés,
restés là après la retraite des Allemands.
Vous trouverez ci-après les 2 récits, celui de
Madame de Loÿs et celui de l'officier Américain,
le Capitaine Miller.
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Récit du Capitaine
Miller
Au delà de Vierville, une
Française avec sa petite fille s'est adressée au
Capitaine Miller (il s'agissait peut-êtret de Madame
de Loÿs)
"Les Boches! les Boches!" a
expliqué la Française, faisant signe à Miller
de la suivre.
Miller a pris avec lui quelques hommes et a suivi avec précautions,
au delà d'un grand château
(Gruchy?) et jusqu'à
un petit ravin. Les Américains ont entendu des plaintes
en allemand provenant d'un tunnel bien caché au fond du
ravin.
Miller et 2 hommes ont sauté dedans, leurs armes prêtes.
Ils ont crié à l'entrée du tunnel:
"Achtung!, Raus! Raus!"
De nouveau des plaintes. Miller et ses hommes ont pénétré
lentement dans le tunnel, tourné un coin, et se sont retrouvé
dans une grande salle souterraine, face à face avec un
infirmier Allemand.
Criant "Kamerad! Kamerad!" les Allemands ont levé
les bras en l'air. Plusieurs blessés étaient étendus
là. Apparemment l'endroit devait avoir été
un PC. Alors que les défenses Allemandes s'effondraient,
l'état-major avait dû partir rapidement, laissant
derrière eux les blessés intransportables. |
Souvenirs de la
famille De Loÿs, le 7 juin au château de Gruchy (ce
document est la suite du récit
du 6 juin)
Extrait de "Le jour le plus Fou" (par E.Coquart
et P. Huet, chez Albin Michel)
(Le
7 juin)
Début de soirée.
Guy tente une nouvelle sortie alimentaire.
Il court dans le parc labouré par les bombes et les
obus, mais en passant devant la grille d'entrée, aperçoit
la silhouette d'un soldat qui, immobile, stationne au bord de
la route
(on est très probablement le 7 juin, car les Américains
n'ont pas dépassé Vierville avant le 7)
Il (Guy) remarque aussitôt qu'il
ne porte pas de casque Allemand, pas de casque Anglais, avec
cette forme de cuvette renversée qu'il a vue dessinée
sur les affiches de propagande nazie. Une déduction fulgurante
traverse l'esprit du jeune garçon: c'est un Américain!
Guy s'arrête net, tente d'entrer en contact, crie au
hasard quelques mots de sympathie. Mais le soldat, d'un geste
du bras, lui fait signe de déguerpir. Guy redescend à
toute vitesse dans le souterrain. Excité à l'extrême.
Mais les mains vides.
«Tu n'as rien?
- Non, enfin si... J'ai une nouvelle: les Américains
sont là.»
Personne d'autre que Mme de Loÿs n'a entendu.
«Tu retournes là-haut, ordonne-t-elle à
son fils. Tu entres en contact avec eux, tu te renseignes. Enfin,
tu te débrouilles. Mais surtout, surtout, ne leur dis
rien de ce qui se passe ici. Pas avant que j'aie eu le temps
de tout préparer.»
Guy remonte à la surface. Croise cette fois une patrouille
entière de GI's qui explore le parc. Il les sent nerveux,
tendus, prêts à tirer à la moindre alerte.
Dans son anglais d'écolier, il parvient à s'expliquer,
à les assurer notamment que le château est vide
de tout occupant. Ils investissent la demeure, raflent au passage
quelques bibelots, ce qui fait mieux comprendre à l'adolescent
pourquoi sa mère a, depuis longtemps, mis les objets
de valeur en lieu sûr. Inspection faite, les soldats se
décontractent, s'installent dans les pièces du
château, se vautrent dans les fauteuils. Se reposent...
Infatigable estafette, Guy retourne auprès de sa
mère le plus discrètement possible.
Mais de toute façon, personne ne fait attention à
lui. Pour combien de temps encore? Etre dans ce souterrain avec
cette vingtaine de soldats Allemands, c'est comme être
assis sur un baril de dynamite. A la première maladresse,
tout risque de sauter.
Mme de Loÿs choisit de révéler aux blessés
la présence de l'ennemi. Dans le château, juste
au-dessus de leurs têtes : "les affronter", leur
dit-elle, "serait suicidaire, reviendrait à
se faire massacrer. C'est sans espoir. Et puis, il faut penser
aux civils, aux femmes, aux enfants."
Elle parlemente. Elle sent les fantassins de la Wehrmacht
au bout du rouleau, fatigués, usés.
«Si vous vous rendez, vous serez soignés.
Vos camarades les plus durement touchés seront certainement
évacués.»
Les soldats discutent entre eux. Ils sont apparemment peu
désireux de se battre, mais pas convaincus non plus de
rester en vie s'ils se rendent. La propagande a fait son oeuvre.
L'un des Allemands se détache du groupe et donne
une dernière et - étonnante - condition : «Nous
sommes d'accord, mais un soldat allemand ne peut se rendre à
l'ennemi les armes à la main.»
Mme de Loÿs ne prend pas la peine d'épiloguer
sur les signes extérieurs et dérisoires de l'honneur
: «Qu'à cela ne tienne, s'exclame-t-elle,
ça peut s'arranger. L'autre sortie du souterrain donne
dans les bois. Tout près, à côté
du lavoir, il y a un puits vous n'avez qu'à y jeter vos
armes.»
Les soldats demandent un nouveau temps de réflexion
et, après un autre conciliabule, acceptent enfin de se
rendre sans combattre. Sous la conduite de la châtelaine,
ils sortent du souterrain en file indienne, se faufilent dans
les fourrés, balancent leurs fusils et autres babioles
de guerre dans le puits. De retour dans l'abri, ils attendent
sagement.
Mme de Loÿs convoque alors son agent de liaison favori
«C'est fini. Tu peux y aller, ils sont prêts.»
Guy retourne auprès des Américains. Mission
délicate: il ne s'agit pas de se tromper, de leur faire
croire qu'à quelques mètres d'eux, une vingtaine
d'ennemis les attendent, prêts à leur sauter dessus.
Guy s'explique lentement, laborieusement, mais parvient à
se faire comprendre: les alliés descendent dans le souterrain,
cueillent les Allemands en douceur. Comme l'avait promis Mme
de Loÿs, les blessés les plus sérieux sont
immédiatement évacués vers un hôpital
Britannique. Parmi eux, bien entendu, un homme à la boîte
crânienne éclatée qui avait tellement impressionné
Guy. Il survivra.
Un an après sa capture, il écrira à
Mme de Loÿs pour la remercier de lui avoir sauvé
la vie en le ligotant sur son brancard. Longtemps, chaque fin
d'année, le miraculé du 6 juin adressera une carte
de Noël au château de Gruchy.
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